3/28/2010

En route vers Djenné



Ségou derrière nous, le Mali profond se dévoile peu à peu sous nos yeux. A chaque tour de roue, se rapprocher de Djenné. A peine la petite ville du bord du Niger quittée, on pénètre dans un tout autre univers. La brousse. Sauvage. Aride. Royaume des baobabs géants. En cette fin de mars, les dernières pluies sont loin, leurs branches sont nues. A les observer, l'on dirait des arbres plantés à l'envers. Les racines tournées vers le ciel. Au fil de la route, on les croise en nombre, ils suscitent un respect que leur démesure impose. Parfois dans un petit périmètre, six d'entre eux se sont réunis. L'impression d'assister à la réunion secrète de grands vénérables venus disserter du sort du monde. Massive incarnation de rondeur et de sagesse.


Les plaines que l'on traverse abritent également des termitières géantes. Ahurissantes. Les plus grandes d'entre elles doivent friser avec les quatre mètres. Certaines semblent dessinées comme de parfaites pyramides. D'autres laissent encore percer la pointe de l'arbuste autour duquel elles se sont bâties. Elles grignotent les arbres comme d'autres du chocolat. Avec un insatiable appétit. Le spectacle offert est réellement étonnant.


En brousse se trouvent aussi, parfois, de petits villages. Ils sortent de nulle part et semble y rester pour l'éternité. Comme la route est quasi déserte, le passage d'une voiture sonne comme un événement. Salutations de rigueur. Sake, Kong, Ouena, Kanouala, Konguena. Chaque nom soulève des rêves d'histoires. La façon dont ils ont gagné cette dénomination. Dans plusieurs d'entre eux l'on peut voir des carcasses de bus sur le côté. Comme autant de bateaux échoués sur la rive. Venus mourir aux portes d'une aventure. L'image est saisissante. Là encore l'imagination travaille sur la fin de vie de ces mastodontes. A force d'avaler du goudron, ils on fait une indigestion.


Dans notre vieille Mercedes décatie, l'air d'une chanson de Janis Joplin dans la tête retentit. 'Oh Lord, won't you buy me a Mercedes'. Quelle voix elle avait la petite dame déjantée. L'esprit vagabonde. Au bord de la route, une horde de mômes, armés de lance-pierres, chassent des lézards. Peut-être s'inventent-ils simplement des histoires. Souvenirs de ces battues de l'enfance. Quand on partait pister les fourmis ou mieux encore les souris. Ce qui se terminait le plus souvent auprès du feu, agrémenté de brochettes imaginaires.


A Pont-Bani, localité traversée par le fleuve Bani, difficile de ne pas être impressionné par les forçats du sable. De jeunes adolescents et des hommes travaillant sur et aux bords du fleuve. Remplissant des bennes de sable à coup de pelletées rythmées. Un travail harassant sous de telles températures. Au sortir de là, nous parcourons une longue digue de plusieurs kilomètres. De part et d'autres quelques rares traces d'eau avec ces points irréguliers autour desquels se retrouve du bétail. Des milliers de vaches et de chèvres viennent ici se restaurer en attendant des temps plus cléments. La verdure y tient encore une petite place, menacée par l'aridité.


Les kilomètres défilent et se rapproche la douce Djenné. Pour la rejoindre, il faut à nouveau traverser le Bani. Un bac passe les véhicules les uns après les autres. Ainsi il faut déjà avoir la chance d'arriver lorsqu'il est du bon côté. Et en plus il convient d'être le premier. Sinon vous risquez d'attendre quelques minutes, laissé à la merci de vendeurs de souvenirs prêts à tout pour gagner quelques sous. Ils pratiquent la technique de l'usure. Ne renoncent jamais. Délesté d'un brin de monnaie, l'entrée dans Djenné n'en est que plus gaie. En quelques centaines de mètres, le choc est entier. On se prend plusieurs siècles dans la tête. Feu le goudron. De petites rues en terre, les maisons en pisé, des voitures que l'on peut compter sur les doigts d'une main. Mais une vie bien foisonnante. Des ânes qui assurent le transport de marchandise dans tous les sens. Des odeurs nouvelles aussi, envahissantes, presque entêtantes. Pléiade d'enfants, des stands dans tous les sens. Le lundi à Djenné, c'est jour de marché. On pense une seconde à 'Peut-être' de Klapisch, ce Paris futuriste entièrement ensablé. Mais les habitations sont ici bien différentes. A l'image de châteaux de sable géant. Proprement bluffant.


Passage devant la célèbre mosquée. Reproduction datant du siècle dernier de l'édifice construit au 13e siècle. Djenné est un haut lieu de l'Islam au Mali. Elle abrite de nombreuses écoles coraniques. Le long du lieu de culte on peut croiser un groupe de petits élèves avec leur professeur, un morceau de bois décoré d'écritures religieuses entre les mains. Comme nous confie un homme dans une boutique, la population est musulmane à 100%. On ressent une certaine quiétude sans doute empreinte d'un brin de mysticisme. Mais à cette époque et en étant blancs, ce calme est bien vite emporté par une foule de vendeurs. Porte-clef, colliers, tissus, calebasse... Il faut tout acheter. Pour chaque vendeur nous sommes 'le premier client' même si c'est la fin de la journée... Il convient de 'l'encourager'. Ils vous serinent des 'fais moi plaisir, je te fais un petit prix'. Encore une fois, délicat de se soustraire aux achats. Qu'importe, espérons que cela apporte un brin de lumière aux vendeurs et qu'il en soit de même pour ceux qui recevront ces présents.


Journée richement remplie. De paysages et de rêverie. Temps pour un peu de répit, ivre des beautés du Mali.

3/21/2010

Ségou la zen



Arrivée en bus. Ces maudits bus surchargés et chauffés à blanc. Cette fois, le trajet depuis Fana, 130 kms, est beaucoup plus digeste. Un ou deux petits arrêts entre les deux villes pour faire descendre des utilisateurs. Quand un bus s'arrête dans un village, c'est un peu de vie extérieure qui lui arrive. Cela sort certainement la population de son isolement. Alors une nuée de petits vendeurs s'engouffre dans les portes du véhicule. Manioc, jus congelé sous plastique, poches d'eau, gâteaux. Un peu de tout et beaucoup de pas grand chose. Le bus soulève un espoir, il sort le village de sa torpeur. Fait s'activer les vendeurs.

Ségou. Descente du bus pour monter dans un taxi. Pendant le trajet en bus, j'avais pensé qu'il pourrait s'avérer judicieux d'attendre la fin d'un parcours en taxi pour en négocier le prix. Quand vous arrivez dans une ville, vous ne connaissez pas les distances. Difficile alors de se mettre d'accord sur un prix à l'avance. Le chauffeur nous emmène sur un km et demi. Il demande 2500 FCFA. A peu près cinq fois le prix que quelqu'un paierait ici. Un peu vexant une fois encore de se faire prendre pour la poule aux œufs d'or. L'homme parle en plus très mal le français, difficile d'argumenter. On donnera quand même 1000 de moins.

Arrivée à l'hôtel qui était censé avoir internet, pas de connexion. Sourire. Normal. On commence à s'y faire. 'Aujourd'hui il n'y en a pas. Demain inch'allah'. Il a bon dos dieu. On lui met tout dessus. Comme ces hommes avec qui nous discutions à Fana. Et qui nous soutenez que c'était bon d'avoir huit gosses. Que dieu s'occuperait d'eux. Et les élèverait. Faut pas pousser tout de même. La piété a bon dos... Donc pas de lien avec l'extérieur. Nous partons arpenter la ville. Aux abords de l'hôtel, certaines rues sont quasi désertes. On y voit de grandes constructions datant certainement de la colonisation. Le guide évoque leur élégance surannée. Gentil. Elles sont en fait complètement décaties. Apparemment habitées mais pas du tout entretenues. Un petit air de western. Villes fantômes où roulent ces bobines d'on ne sait trop quoi. Le soleil a disparu lui aussi. Au dessus du fleuve, on voit comme de la brume. Il s'agit en fait de poussière en suspension. Joli spectacle.

Quelques pas plus loin, l'on se renseigne pour une ballade en pirogue pour se retrouver dans un atelier de fabrication de bogolans. Allez comprendre... Il s'agit d'un tissus traditionnel. Ce sont des bandes de tissus teintées avec des pigments naturels tels que l'indigo ou plus simplement l'argile et la terre. Ici ce sont les hommes qui travaillent. Les tâches pénibles et physiques sont généralement dévolues aux femmes. Comme cent mètre plus loin dans la même rue. Au sortir de leur demeure, deux jeunes femmes pilent le mil. En rythme, elles s'encouragent et frappent de leur grand bâton la céréale recueillie dans un récipient en bois. On se rapproche, elles nous invitent à essayer. Le travail est difficile, encore plus sous ces températures.

Notre chemin nous pousse un peu plus loin. Rendez-vous avec une association de femmes. Elles ont pris le nom de Sabounouma, entraide en Bambara. 44 femmes se sont regroupées afin de pouvoir chacune développer une petite activité commerçante. Qui vend du poisson, qui fait de la couture. Qui de la teinture, qui part au Burkina Faso acheter tout ce qu'elle trouve pour le revendre au marché de Ségou. Elles se réunissent une fois par semaine. Chaque femme doit alors s'acquitter de 300 FCA qui sont mis dans la cagnotte. Elles peuvent chacune demander des micros-crédits de 50 000 à 150 000 FCFA et devront les rembourser au bout de trois mois avec un intérêt de 10%. D'après leur témoignage cela fonctionne et elles en semblent heureuses. Iwona tire leur portrait que nous leur enverrons à notre retour.

Pourquoi ne pas maintenant rentrer à l'hôtel se reposer? Riche idée. Un petit taxi moto et notre salut se profile. Du goudron au Motel, on passe par une sorte de terrain vague sur lequel se déroule le fameux festival de musique et d'arts 'sur le Niger' qui a lieu au mois de février. Il y a aussi un but et une poignée de joueurs de football. L'un d'eux rate sa frappe et le ballon se retrouve dans mes pieds. C'est parti pour une petite partie. Pas besoin de se parler la balle est notre lien. Grand plaisir de partager ce moment avec eux. Même s'il faut avouer que la chaleur attise bien vite la soif et que la gorge se fait rapidement sèche. Qu'importe, nous échangeons avec le sourire des passes et un peu plus. Un dernier but pour la route, il est plus que temps d'aller boire un peu, beaucoup, énormément. Le repos, après cette belle journée, nous attend.

PS: Merci des commentaires ou suggestions que vous pourrez faire. L'interaction a du bon nom de nom!

Le temps



Ici en cet autre continent, le temps est différent. Si sur les montres on le voit s'écouler dans le même sens, sa notion chez les Africains n'est pas la même. Le temps s'étend. Il a fait sa mue et nous fait souvent la moue. Il s'étire, parfois infiniment.

Prenons un exemple concret. A Fana on se déplace beaucoup en moto taxi. Engin bien particulier. Une moto qui tire une petite extension bâchée avec des bancs sur les côtés. Le genre de transport sans ceinture dans lequel il vaut mieux s'accrocher. Et quand bien même il faut être prêt à se faire chahuter. Trêve de digression. Le premier moto-taxi que vous prenez vous donne derechef son numéro. Afin de bénéficier de l'exclusivité. C'est qu'à la saison morte le pigeon se fait rare. Du coup il convient de l'appeler à chaque fois que vous en avez l'utilité. Dans votre humble sagesse d'Européen, vous vous dites qu'il est bon d'anticiper afin de ne point trop poireauter. Au téléphone, le type, qu'il soit à 500 mètres ou à 5 kms, vous répond toujours la même expression. Il sera 'là dans 15 minutes'. La première fois cela rassure. Puis l'on attend. Un quart d'heure. Vingt minutes. Une demi heure. Là, vous qui vouliez aller au restaurant, vous dites que le ventre creuse et que la route à pied conviendra aussi bien. Vous vous mettez en route puis au bout d'un bon quart d'heure, vous apercevez dans l'autre sens votre taxi qui vous sourie. Trop tard, vous venez à l'instant de rentrer dans un second. L'homme appelle pour une explication. Heureusement que le sort choisit de vous placer dans un taxi qui lui appartient aussi. Son petit quart d'heure était en fait presque une heure.

En Afrique on apprend un autre temps. On étudie la patience. Avoir son temps lors de l'achat d'un objet d'art car négocier ne se fait jamais sans histoires. Ne pas être pressé quand on attend le bus ou un quelconque transport en commun. Les restaurants restent finalement bien souvent les plus réactifs.

Autre chose. Ici on a une furieuse tendance à vous prendre pour une buse. Comme les gens partent du principe que tout blanc est riche, il faut en profiter au maximum. Bien traire la vache à lait. Alors on a assez régulièrement des surprises et autres dépenses imprévues qui viennent s'ajouter au programme. Il ne faut pas être naïf. Si les gens sont extrêmement accueillants et chaleureux, on ne peut leur retirer, presque rien ici ne sera gratuit. Cela donne lieu à des ruses pour le moins loufoques. A l'hôtel par exemple. En arrivant l'on vous dit que les chambres sont petits déjeuner compris. Le jour où vous partez, le gérant vous annonce la bouche en cœur qu'il s'agit d'un petit déjeuner compris et non pour les deux personnes qui occupent la chambre. Il faut payer le petit déjeuner supplémentaire. La faute à Voltaire. Cette fois-là, nous exprimons notre étonnement et heureusement sans grande lutte l'homme n'insistera pas.

Les exemples ne manquent pas. Nous sommes passés à la mairie de Fana. Se renseigner sur des associations de femmes dans le village. Après avoir discuté avec le maire, là aussi apprendre la patience en présence d'un politicien, un de ses adjoints nous propose d'aller visiter un village limitrophe. Sur le moment, il ne parle que de la visite. Présenté d'une façon qui ne laisse pas imaginer qu'il faudra payer. Le jour convenu, il faut d'abord acheter un petit présent pour le chef du village en question. Ensuite payer l'essence de la voiture pour le trajet. Rétribuer les gens qui nous accompagnent. Le chef du village reçoit aussi un peu d'argent. Rien n'est dit mais en ce qui concerne l'argent il n'y a jamais d'oubli. Cela rend parfois un peu pesante la présence ici. Difficile de réellement rencontrer les gens autrement que dans des relations mercantiles ou finalement assez courtes et superficielles. Il ne faut pas noircir le tableau outre mesure. Vous croisez un inconnu. Il vous demandera des nouvelles de toute votre famille et même de votre pays. Mais l'on aimerait aller plus loin. Parler de vision de la vie. De rêves. Or il s'agit souvent d'aller en Europe se faire un place au soleil.

La vision que les gens ici ont de notre continent paraît plutôt édulcorée. Eldorado. Paradis. Pour eux, il est facile d'y trouver un emploi et de bien gagner sa vie. Beaucoup parlent de tenter l'aventure pour pouvoir revenir ici, bâtir une maison et des murs. Certains pères veulent que leur fils partent pour devenir footballeur professionnel. Les adultes, eux, se disent prêts à accepter n'importe quel boulot pénible pour peu qu'il leur rapporte un peu. Mais ils oublient bien souvent de mettre en perspective le coût de la vie qui est proportionnel. Ils omettent aussi le fait qu'il n'est pas si évident de trouver un emploi en Europe. De le garder non plus. Notre continent s'apparente un peu à un mythe. Un vieux rêve vers lequel on tend. Une perspective plutôt improbable qui aide à avaler l'âpreté du quotidien.

3/11/2010

Océan noir


Jeudi ensoleillé. Ballade à Bamako. Au Centre Culturel Français. Au gré du hasard, nous arrivons pour l'inauguration d'une exposition. 'Océan noir' de William Wilson, artiste Franco-Togolais. A travers 18 tentures, l'homme a tenté de retracer les relations entre l'Afrique et l'Occident, du 15e siècle à nos jours. Tant passionnant qu'édifiant. Superbe aussi.

L'artiste est parti à la recherche de ses racines familiales avant d'effectuer ce travail. Après quelques temps, il a appris que sa famille Togolaise faisait partie des grandes lignées qui participaient à la traite des esclaves. Sa réflexion s'est ainsi nourrit de sa petite et de la grande Histoire. En utilisant les techniques traditionnelles de la région d'Abomey au Bénin, il a confectionné cette série de tentures. Comme un pont entre les temps. Si l'art touche à la tradition, son aspect tutoie la bande dessinée. Voire le patchwork. On y retrouve la traite négrière, la colonisation, la décolonisation, le combat des droits civiques aux États-Unis. Tommie Smith. Bob Marley. Marcus Garvey. Duke Ellington. Bob Beamon. Malcolm X. Scott Joplin. Tous ces noms et bien d'autres se croisent sur l'oeuvre 'Black and proud'. Hailé Sélassié. Fela Anikulapo Kuti. Nelson Mandela. Roger Milla. Amadou Hampaté Bâ. Cesaria Evora. Eux se sont donnés rendez-vous sur la tenture 'Africa Unite'.

Un peu plus loin, une des œuvres la plus jolie et intéressante. Deux cartes de l'Afrique se jouxtent. A gauche, le continent colonisé. Morcelé au bon gré de la volonté des puissances Européennes. Seul un petit coin de terre à l'est conserve son autonomie. Ainsi résiste l'Éthiopie. Les règles de la colonisation avaient été établies lors de la conférence de Berlin, entre 1884 et 1885. A gauche, des loups grignotent l'Afrique. A droite, des petits hommes noirs lèvent la main au ciel en signe de victoire. Au Mali, il aura fallu 1960 pour obtenir l'indépendance. On en célèbre le cinquantenaire cette année.

Des histoires et de l'art plein la tête, nous gagnons la ferveur de la rue. Sa chaleur aussi. Direction la maison des artisans. Un bon quart d'heure de marche nous attend. Les rues sont pleines d'une foule en mouvement. Quand les Bamakois se mettent en marche, ils ne plaisantent pas. Les marchés sont bondés. Tout ce monde et ces couleurs en mouvement. Vraiment impressionnant. Nous nous touchons à notre destination. Mais l'idée ne s'avère sans doute pas des plus judicieuses. Pas de touristes. Nous sommes les seuls blancs apparents. On devient un enjeu pour l'ensemble des marchands. Ils nous attirent chacun de leur côté. Difficile de résister. D'autant plus que les produits artisanaux sont d'une grande beauté. Nous repérons quelques masques. Marka. Senoufo et Bambara. Embarras du choix.

Nous nous fixons sur l'un d'eux. La négociation peut débuter. Un véritable art. Essayer d'y couper c'est offenser. Le vendeur donne son premier prix, très gonflé. Il te demande de donner le tien. Au départ entre les deux c'est le grand écart. L'homme te dit fou. Tu lui réponds non. Que tu es simplement étudiant. Il te demande de faire un pas vers lui. Toi tu lui rappelles qu'il t'a promis un petit prix. Dix minutes écoulées. Ainsi de suite. Chacun fait un pas. Petit à petit. L'objet se rapproche ou s'éloigne. Cette fois-là, impossible de tomber d'accord. Après une petite demi-heure, nous prenons la tangente. Pas le temps de faire 100 mètres que l'homme nous rattrape. Il propose un dernier rabais. Encore trop loin de ce que nous nous étions autorisé. L'affaire tombe à l'eau. L'homme fait un peu le masque.

3/07/2010

Parti pour un Tour



Dimanche 7 mars 9h00. Avenue de l'Indépendance. Bamako. Mali. Le microphone trésaille au son de la voix de Soufiane Coulibaly, speaker officiel. Le Tour du Mali déploie ses ailes. Première édition, premiers frissons. Une à une, les équipes défilent, sont présentées par cet homme à l'humour affirmé. Parmi les éléphants on trouve 'le coureur le plus rapide de l'Ouest, le Didier Drogba du vélo, le Lucky Luke de Côte d'Ivoire. Il roule plus vite que son ombre'. En même temps sur cette Avenue bien dégagée, difficile d'une quelconque ombre déceler.

Les supporters sont venus en nombre. 40 000 personnes le long du parcours. Un groupe de Maliens musiciens, tout en vert, jaune et rouge harangue la foule. La joie crépite dans les regards croisés au gré du hasard. On sent une attente énorme autour de cette grande fête populaire et colorée. La clameur des supporters devrait porter les coureurs sous cette intense chaleur. Le long de la voie, des cris de joie, plein de bambins aux airs coquins. Le départ du prologue, baptisé 'un dimanche à Bamako', est donné. Le circuit tourne autour de l'Avenue de l'Indépendance. Dès le premier virage, un toubabou attaque comme un pauvre fou. Il tient la corde bien peu de temps. Le capitaine de l'équipe du Maroc le rejoint rapidement. Le Marocain, plus puissant et malin, le distance aussi sec. La chaleur s'installe comme la ferveur.

Trois tours couverts. Sept à venir. Le leader appuie son effort et creuse un écart d'1min 17 sec. Soufiane parle maintenant de 'machine de guerre'. 'Une fusée lancée dans la ville de Bamako'. Toute action entraine une réaction. Arrive celle du peloton. L'écart se consume peu à peu pour se stabiliser autour de la minute. La course passionne la foule. Mais comme le souligne le présentateur 'la plus belle victoire du jour ne sera pas la nationalité du vainqueur mais bien d'avoir réussit à réunir l'ensemble de la jeunesse Africaine'. Le succès est assuré. Nul possibilité d'en douter. En marge du vélo, je discute avec Mohammed, jeune homme d'une dizaine d'année. Il rêve de devenir footballeur en France. Me demande si c'est difficile. J'essaye de ne pas briser ses rêves tout en lui donnant une réponse lucide. Peu d'élus. Deux roues ont encore bien du mal à rivaliser avec un ballon rond.

Retour à la course. L'écart est tombé à 40 secondes. 'Le vélo, c'est l'invitation à se dépasser'. Sous 40° Celsius, on veut bien vous croire. 'Le Burkinabé, le Malien et le Français ont décidé de mettre le turbo à cinq tours de l'arrivée'. Aux trousses du fuyard ils sont lancés. Le speaker s'inquiète une seconde 'le capitaine de l'équipe du Maroc a disparu. Est-ce qu'il s'est fait manger?'. Le suspense reste entier. Effectivement, un Malien se rapproche de la tête de course. Les sourires se décuplent, la ferveur monte d'un cran. Les bambins sont rayonnants. Ils lancent tous ensemble des 'du courage!'. La course s'emballe et devient folle. 'Monsieur le Ministre, ça devient de la bouillabaisse, ça attaque de toute part'. Tout le monde décolle et à l'écoute du speaker l'on rigole.

Trois tours à couvrir. L'avance fond comme neige au soleil Malien. 32 secondes. Un Marocain peut en cacher un autre. Dans un dernier effort, le capitaine est rejoint par ses lieutenants. Ils finissent tous les quatre seuls devant. 'La tempête de Casablanca a soufflé sur Bamako'. Et 'pour une fois, ce sont les Européens qui sont en retard'. Le public est conquis, ravi. Remise des prix. Lancé sur des chapeaux de roue ce Tour du Mali. Longue vie à lui.

3/01/2010

Afriquotidien




Rien de tel que de s'écarter un peu du bouillonnement de la capitale pour prendre le pouls du pays. En brousse ou dans les petits villages. Aujourd'hui à Koulikoro, ville mystique. Abdul Baki Cissé, notre guide pour la journée, nous embarque dans son pick-up climatisé. En route pour la tournée sur son secteur. L'homme politique qu'il est le connait bien. Après une vingtaine de kilomètres, nous commençons par la visite du groupe scolaire Emile Delassus Camara. Le professeur Jean Bengaly dans l'enceinte de l'école nous convie.

L'institution donne cours pour de nombreux villages alentours. Elle manque de tout. De nombreuses salles de classe se sont effondrées. De fournitures scolaires de base comme des bics, du papier, de la craie, des manuels scolaires, des bancs pour s'assoir. Équivalent de notre collège, elle prépare au Brevet des Collèges. Même si les examens ici sont pour le moins curieux. En raison du trop grand nombre d'élèves, les professeurs ont des consignes et le redoublement n'est pas permis. Il arrive donc bien souvent que lors des examens, le tableau noir pose les questions et offre les réponses simultanément. Les élèves n'ont plus qu'à recopier pour passer. Comme nous dit Jean, certaines classes contiennent jusqu'à 130 élèves. Dans un espace fort réduit. Sans doute guère plus de 40 m². Des endroits surchauffés si l'on regarde le toit en taule ondulée ajouté à la forte densité.

Les enseignants sont ravis de nous recevoir dans leur lieu de travail. Mais ils s'empressent de nous alerter sur l'ensemble des problèmes qu'ils rencontrent. Ils nous demandent d'en parler, de faire quelque chose. Dans cette école à l'heure de midi, alors que tous les élèves étaient partis, une jeune fille errait dans une salle vide. Cette jeune écolière du nom de Maba Diara habite à 8 kms de l'école. Sa famille n'a rien. Elle vient tous les matins en vélo et repart de la même façon le soir. Le midi, elle ne mange pas puisqu'elle n'a pas d'argent. Elle attend juste que les cours reprennent, regardant à travers la fenêtre avec une certaine fatalité. Une situation intenable qui ne peut que révolter.

Nous quittons les bancs et autres tableaux noirs pour gagner les plages du fleuve Niger. Un paysage à couper le souffle. L'eau, étendue sur une immense largeur. Quelques embarcations animées d'une poignée d'âmes dont une qui tient une longue perche. Aux bords du fleuve, dans des eaux stagnantes, des femmes à moitié immergées. Elles cherchent du gravier. Sous la couche de sable, elle le récupèrent à longueur de journée. Par seau, elles le ramènent au bord de l'eau pour faire de petits tas qui s'agrandissent lentement. Pour le groupe de femme que nous avons rencontré, il faut environ 20 jours pour produire de quoi remplir une benne. Celle-ci sera vendue à Bamako entre 50 000 et 60 000 FCFA. Après calcul, elles gagnent environ 500 FCFA par jour soit moins d'1€. Une broutille pour un travail physique épuisant. Malgré tout, elles semblaient ravies de notre visite, heureuses de poser pour une photo.

Journée aussi poignante qu'enrichissante. Nous commençons à tutoyer une certaine réalité, très difficile mais bien réelle. Les gens n'ont rien et pourtant personne ne se plaint. Il faudra à l'avenir réfléchir à comment apporter notre humble aide depuis la France. De telles situations ne peuvent laisser indifférent. Il faut aller de l'avant.

Koulikoro



Tout finit à Koulikoro. Aux alentours de Bamako. C'est ce que l'on dit. Depuis le 19 novembre 1968 qui y a vu l'arrestation par une junte militaire de Monsieur Mobido Keita, Président de la République du Mali. C'est une ville crainte, mystique, qui véhicule ses histoires. Certaines d'entre elles se muent en légendes qui traversent les siècles.

Celle de Soumangourou Kante et de Soundiata Keita en est une. Un des points de départs de l'Histoire du Mali. A l'époque, le pays est dominé par le royaume de Sosso et son chef si cruel Soumangourou Kante. Il causait beaucoup de ravages à travers ses diverses incursions militaires, tuant tout sur son passage. On raconte même qu'il était couvert d'habits confectionnés en peau humaine. Ses chaussures y compris. Il était un chef craint de tout le monde et l'on se demandait comment vaincre un tel guerrier. C'était un grand sorcier faisant régner la terreur. On lui prêtait le pouvoir de prendre diverses formes comme celle d'une pierre par exemple. Soundiata Keita, allié des Rois Malinkés et parti en exil, fut sollicité pour libérer sa patrie. En Bambara le mot Keita signifierai littéralement 'prend le pouvoir'. Alors que Soumangourou remportait quatre grandes batailles successivement, quelqu'un eu l'idée de le perdre par le pouvoir des femmes. Alors la petit sœur de Keita lui fut offerte en mariage. Sa 301e femme pour être précis. Sa propre mère essaya bien de le mettre en garde contre les dangers que peut réserver la femme, Soumangourou se laissa pourtant enivrer. Et commença à se confier. Il avoua à sa nouvelle femme que seul une flèche constituée d'un ergot de poulet blanc pouvait le tuer. A part cela, aucune lame, aucune balle ne saurait lui être fatale.

La sœur de Keita continua à l'enivrer et transmit le secret à son frère. Eut lieu alors la bataille de Kirina. Touché par la flèche maudite, Soumangourou se sait vaincu et fut contraint à la fuite. La colline où il se trouvait se serait alors fendue en deux pour le laisser passer. Il s'évanouit ainsi dans la montagne. Aujourd'hui encore, les gens doutent de sa mort. Ils se demandent quel type de vie anime cette colline. Selon eux elle reste hantée. A cause de cela, on fait chaque année des sacrifices au fétiche Nianal qui a la forme d'un serpent.

Suite à la disparition de Soumangourou, Soundiata Keita devient l'Empereur du Mali de 1235 à 1255. A l'Empire Sosso, qui avait su profiter de la faiblesse de l'Empire du Ghana pour asseoir sa puissance, succéda l'Empire Mandingue. Si l'on revient un peu en arrière, en 1050, le Mali se composait de trois principautés: Kli, Do et Bouré. C'est Bara Mandana Konati qui les unifia et en fut le premier suzerain. L'unité dura jusqu'au 15e siècle. Le déclin fut favorisé par les Rois qui, aveuglés par leur soif d'argent et de pouvoir, se désintéressèrent peu à peu de l'indépendance du Mali. Le territoire fut également l'objet d'attaques extérieures du fait des Espagnols et des Songhaï. Peuple originaire du Diendi, dans la région du Nord de Niamey (Niger), les Songhaï établirent un petit royaume à Gao. Ils dominèrent le Mali sous la direction de leur chef Sonni Ali qui monta sur le trône en 1464. En tout cinq royaumes se sont succédé au Mali: l'Empire du Ghana, du Mali, Songhaï, Bambara de Ségou et Peul du Macina.

A Koulikoro, il y a aussi l'histoire de la montagne de Sambakoro. Un homme nommé Samba aurait essayé de séparer deux collines rivales en plein conflit. Les deux montagnes ne se laissant pas faire, il se retrouva coincé entre celles-ci. La légende explique ainsi la forme si particulière de cette formation rocheuse. Enfin, il y eut apparemment des rats venus de Dakar qui ont arrêté leur route et n'ont pas pu aller plus loin. Tout finit à Koulikoro, les rats, les chefs d'Etat en fuite, les guerriers sanguinaires. Tout, sauf notre voyage.

2/28/2010

Du nomadisme



Bientôt une semaine que nous sommes à Bamako. Il y fait beau. Chaud. Alors l'on boit beaucoup d'eau. De lieux explorés jusqu'ici point trop. Nous papillonnons d'un foyer à l'autre, faisant du nomadisme notre ligne de conduite tantôt choisie, tantôt subie.

Après une nuit de repos consécutive à ce trajet semi-cauchemardesque en bus entre les capitales du Sénégal et du Mali, nous nous mettons en quête de la demeure de sieur Ali Nouhoum Diallo à qui nous devons remettre deux sacs de médicaments. Grâce à l'aide d'un autre Ali, chauffeur d'Olivier et Muriel chez qui nous avons passé la première nuit, nous gagnons le quartier récent d'ACI 2000 et demandons notre chemin en route. Nous voilà bientôt à bon port. Accueillis fort gentiment par Ali et sa femme Aminata. On discute, on se restaure. Ali nous relate avec le souci du détail ses études en France, puis son parcours politique au Mali. Qui l'a conduit à la présidence de l'Assemblée nationale Malienne dans les années 90 et ce jusqu'en 2002. Nous faisons la connaissance avec leur deux fils et leur nièce. Toujours quelque peu éreintés, nous ne faisons pas de vieux os.

Le lendemain matin d'un coup de taxi en route pour notre première véritable incursion dans la capitale. Cap sur le marché de l'artisanat. Là nous tombons nez à nez avec Muriel, notre première rencontre ici. Bamako est très petit. Nous parcourons les stands des artisans. Plus jolis les uns que les autres. Colliers, sacs de cuir, sculptures, masques, percussions... Après avoir légèrement résisté, nous craquons pour de jolies boites en cuir de chameau ciselé. Notre route encore longue, il faudra dorénavant savoir se limiter. Au retour chez Ali, nous tombons en arrêt devant le jardin d'à côté. Deux caméras, une chanteuse, deux danseuses et quelques enfants. Tournage d'un clip musical. Vite repérés, on invite les deux toubabous à se joindre au tournage. On nous présente Paye Camara, chanteuse Bambara traditionnelle. Elle nous demande de participer à son clip. En une poignée de secondes, nous sommes déjà en train de danser avec elle sous le feu des caméras. Peut-être une nouvelle carrière s'ouvre-t-elle?

Ali, qui ne peut guère se déplacer et aimerait nous faire visiter, a pensé nous confier à son ami Abdul Baki Cissé. Il vient nous chercher et nous embarque. D'abord surpris, on le suit. Entrepreneur dans le domaine de l'eau et homme politique dans le secteur de Koulikouro. Auguste géniteur de sept filles et deux garçons. Abdul nous emmène dans son secteur dans son pick-up dès le soir même. Difficile de réellement profiter du paysage puisqu'il fait nuit noire. On y rencontre quand même deux professeurs d'une institution qui vient de fêter ses 110 années d'existence. Je remarquerait l'un d'eux, avec sa grosse barbe blanche, dans les bonnes feuilles du journal du lendemain. Retour dans la maison d'Abdul. Si l'on peut appeler cela une maison. Il s'agit plus d'une sorte de château. Immense, assez vide pour tout dire, avec un domaine de 8 hectares autour. L'impression que l'on ressent dans cet endroit est curieuse. A vrai dire on se sent un peu perdus. Et l'envie de partir nous vient derechef à l'esprit. Tout en haut de la demeure se trouve une grande terrasse couverte d'où l'on peut observer les étoiles. C'est ici que l'on est sensés dormir. Avec toute la famille. Chacun son matelas rassurez-vous. Cette promiscuité indispose quelque peu notre sommeil et notre intimité. Après une petite demi-heure, nous nous retirons sur la pointe des pieds. Nous gagnons alors la petite chambre où nos sacs ont été entreposés.

En matinée, nous rendons visite à une amie de la famille, tante Karina. Qui a donné son prénom à une des filles de la famille Cissé. Karina est une Polonaise mariée à un Malien. Elle habite ici depuis 38 ans. Sage-femme, son mari Josué est médecin gynécologue. Mais comme il le dit en Afrique on a beau avoir une spécialisation, on fait toujours un peu de tout. Adorables, ils nous invitent à dormir chez eux le soir. Un peu égarés dans notre château, situé à plus de 20kms de Bamako, nous acceptons bien volontiers. En attendant, nous passerons la journée à ne rien faire. Coincés dans cette maison immense et vide. Juste quelques communications sur internet en attendant le soir venir. Débarqués chez ce couple Malien-Polonais, nous attendons la maitresse de maison partie accoucher en début de soirée. Discussion avec son mari qui nous relate comment il a atterri en Pologne pour faire ses études de médecine. Puis nous regardons Galles-France sur TV5 Monde. Joli spectacle. Un peu de sport, doux réconfort. La nuit arrive sur la pointe des pieds. Le sommeil nous gagne, il faut de tous ces transits se reposer.

Lendemain matin. Promenade au marché. Acheter un peu de viande et d'os pour le chien, des œufs, de la salade pour nous autres humains. La salade prendra un bain d'eau de Javel d'une demi heure avant d'atterrir dans nos estomacs. Il paraît que la journée est calme. Une foule plutôt compacte parsème pourtant les rues. Surtout beaucoup de deux roues. Mobylettes et scooters se frayent comme ils peuvent un passage au milieu de la circulation. Les taxis, en grève lors de notre arrivée, ont maintenant repris du service. Nous nous engouffrons dans de petites ruelles pleines d'échoppes. Quelques centaines de mètre plus loin, nous entrons dans un bâtiment couvert où se trouvent toutes les boucheries. Une forte odeur de viande se mêle à celle des hydrocarbures qui s'engouffrent dans le lieu. Ces halles de bouchers sont assez impressionnantes. Beaucoup de monde, le son des grandes lames qui débitent à tout va, l'odeur forte et tenace qui prend à la gorge.

Sur le chemin du retour, petit arrêt dans un magasin d'artisanat Malien. Tout y est si joli. Masques, portes Dogons, meubles, bogolans (bandelettes de tissus reliées et imprimées de pigments naturels), bijoux, sculptures. Superbe mais il faut se retenir car le bout du chemin reste encore loin. Bamako est une ville à l'activité foisonnante, souvent pleine d'embouteillages, l'air y est fortement pollué, l'odeur du pétrole y est persistante. Les commerçants y sont pour le moment charmants et peu insistants. La chaleur est une invitation à la lenteur, à l'oisiveté. Il faut alors savoir y résister. Ici l'on aime 'siester'. Les nomades que nous sommes ont maintenant tendance à se sédentariser.

2/24/2010

Plongée dans la réalité



T'as voulu voir Dakar et on a vu Dakar. T'as voulu voir Bamako, on est allés à Bamako. T'as voulu voir l'Mali et on a vu l'Mali. En l'absence d'une ligne de train entre Dakar et Bamako, il ne nous restait plus que l'option du bus. Notre accompagnateur à Dakar nous a conseillé de prendre le même que sa sœur qui se rendait également à Bamako. L'idée est rassurante et même s'il faut rajouter 5000 FCFA en plus des 25000 par personne pour le trajet, nous prenons donc nos billets. Sur la durée du trajet, les informations divergent. De 24h à 50h en fonction de l'optimisme du quidam. Pour la fiabilité, repassez.

Le départ est prévu dimanche soir à 22h. Rendez-vous à 20h30 au pied du grand stade de Dakar. Bagages en soute, nous disons au revoir aux gens que nous avons connu ici. Non sans un léger pincement. Sans doute reviendrons nous. Peut-être en mai, pour le festival de jazz de Saint-Louis. En attendant nous voilà dans le bus, on discute avec un jeune toubab qui parcourt l'Afrique de l'Ouest en long, en large et en travers. Les routes sont assez détériorées. Alors le bus zigzague sur la voie pour éviter les trous. Véritable slalom géant. La nuit arrive mais le sommeil nous fuit. Impossible de s'endormir dans cette position recroquevillée. Il faudra veiller et sur nos ressources vitales compter. Nous avions fait une réserve de 4,5 litres d'eau. Elle part bien vite en fumée. Il fait si chaud. Plus on s'éloigne de Dakar, plus la température monte.

Le lendemain matin, le car commence à perdre de l'eau. D'abord un peu. Puis de plus en plus. Un premier arrêt pour réparer. On repart et on s'arrête à nouveau une demi-heure plus tard dans un petit village de brousse. Là on ne le sait pas encore mais nous allons passer 7 heures dans ce lieu. On démonte le radiateur, on tente de le réparer. De notre côté, petite bataille Corse puis Ripkipkip entre toubabs. Après un peu plus de cinq heures, un autre bus arrive à notre rescousse. Gros ouf. Les gens de la 'compagnie' commencent à transférer nos bagages d'un bus à l'autre. Un peu prématuré. Ils ne se sont pas entendus sur le prix. Le ton monte. Les bagages sont ressortis. La négociation reprend. Les bagages sont remis. Quel gain de temps. Enfin, nous repartons pour de bon. Dans un bus d'une lenteur extraordinaire. On ne dépasse pas les 50 km/h. Bamako se rapproche, mais tout doucement. Les paysages sont assez désertiques. Quelques buissons, Baobabs et parfois de petits villages composés de cases traditionnelles. En route certains récoltent les fruits du Baobab avec lequel on fait l'excellent jus de Bouye. On le casse et on mange l'intérieur. Certains l'appellent l'Imodium Africain.

Ainsi passe la journée. Dans un bus surchauffé. Quelques pauses par-ci par-là. Un peu plus frustrantes à chaque fois. Les personnes mettent tant de temps pour remonter dans le bus. Le chauffeur fait d'ailleurs mine de repartir en en oubliant quelque-uns. Pour les bouger un peu il commence à rouler. Là le car entier crie de concert pour dire qu'il manque du monde. Le chauffeur s'arrête. Le ou les retardataires remontent... En soirée, nous arrivons à la frontière entre le Sénégal et le Mali. Il faut se plier aux formalités. Les autorités récoltent les passeports, partent les étudier, puis nous appellent un par un. Entre le Sénégal et les 30 premiers km du Mali, nous sommes arrêtés comme cela à trois reprises. Les gens du bus doivent d'ailleurs s'acquitter d'un bakchich au moment où on leur rend leurs papiers. Nous pas. C'est étrange. Je commence à ressentir les premiers signes de fièvre. La fatigue, la promiscuité avec tous les voyageurs, le manque de nourriture consistante. Pour tout dire, le trajet commence à s'apparenter à un voyage au bout de l'enfer pour moi.

Personne n'est capable de nous dire quand l'on va arriver. Ni où exactement le bus nous déposera à Bamako. On s'arme de patience et l'on se dit que l'on se reposera quelques jours à notre arrivée. Alors que nous approchons de Bamako, un dernier événement vient perturber notre avancée. Un scooter passe un peu trop prêt. L'accident ne peut être éviter. Une petite heure de discussion... Finalement, nous arrivons mardi vers les 10 h du matin. Après un périple de 36 h en bus. Nous avons changé deux fois de véhicule. L'affaire a été très rude. Nous sommes extrêmement fatigués après avoir dormi peut-être une heure ou deux en deux nuits. Les petits-enfants d'une patiente de mon père, expatriés ici depuis presque trois ans, nous accueillent fort gentiment. Je tousse, me mouche tout le temps, je suis brûlant. Le thermomètre confirme. 39,5 degrés. C'est à peu près aussi la température extérieure. La chaleur semble ici beaucoup plus étouffante qu'à Dakar. Nous voulions voir Bamako, nous y voilà.

2/20/2010

Yoff



Voilà une poignée de journées que nous avons pris nos quartiers à Yoff en bordure de Dakar. Petit village traditionnel de pêcheurs, les Lebou. Maîtres de l'Océan et de ses courants. Les vagues ici tutoient parfois les trois mètres. Avec cette chaleur, environ 30 degrés, l'on aimerait se baigner. Mais l'élément en impose et une certaine maîtrise il suppose. Ouzin, notre guide ici, rencontré par l'intermédiaire de Tapha notre tuteur et chauffeur de taxi, nous a dégotté une chambre à l'Académie des Arts Léopold Sedar Senghor. Ici se trouvent également les studios de Pentagone Productions. Production audiovisuelle, studio d'enregistrement, institut de formation en musique, danse, arts plastiques, stylisme, art dramatique, management culturel, technique audiovisuelle et photo. Un projet que son directeur Nöel Agossa a porté à bout de bras. Un homme charmant et déterminé, toujours entre mille projets.

Le temps ici s'écoule doucement. Bercé par le son de l'Océan. On découvre petit à petit le charme parfois frustrant du rendez-vous Sénégalais. Pour le 'je passe dans 5 minutes', compter une bonne demi-heure. Une rencontre dans une heure, prévoir aisément le double. Il convient de s'y adapter. Essayer de faire d'autres choses en attendant. Sachant que la ponctualité n'est jamais au rendez-vous. Mais ce n'est qu'un minime aspect de la vie ici. Les gens sont d'une bonté, d'une hospitalité et d'une curiosité sans borne. Quel bonheur profond de voir et d'entendre ces gens qui se saluent dans la rue. Vous interpellent et vous questionnent. Ici, on salue l'inconnu que l'on croise dans la rue. Comme cela se pratiquait dans des temps oubliés en Europe. Hier nous discutions avec le frère de Khady, la future femme d'Ouzin. Il nous narrait avec ironie comment à son arrivée en France il saluait les gens en ville. On le regardait alors comme quelqu'un ayant perdu tout sens de la raison.

Train ou pas train? Telle est la question. Depuis notre arrivée à Dakar, nous avons essayé de déterminer l'existence ou non d'un train pour le Mali. Pas une mince affaire. Une première approche de la gare de Dakar, place des Tirailleurs, nous donnait à penser que de train il n'y avait plus. Gare fermée, devant être transformée en musée. Loin de renoncer, nous demandons un peu partout où nous passons. A l'ambassade, l'on nous donne du 'j'espère bien qu'il y a des trains'. Paye ta fiabilité de l'information... Une lueur d'espoir rejaillit quand même. Du coup je demande à Noël qui m'a l'air d'une personne renseignée. Gentil comme tout, il appelle une amie à lui. D'après elle, des trains pour Bamako circulent bel et bien. Qu'à cela ne tienne, nous gagnons à nouveau la gare pour confirmer ses dires. Là nous pénétrons dans l'enceinte afin de demander directement aux personnes qui semblent s'occuper des wagons. Cruelle déception. De train il n'y a plus depuis presque un an à cause d'une tempête qui à causé des dommages sur la voie et les wagons. Nous aurons malgré tout la chance de faire la visite du train express qui va à Thiès. Avec explications du patron et de l'ingénieur Indien. Échange délicieux avec ses messieurs. Avec l'indien nous troquons même une pièce polonaise contre une devise de sa contrée. Nous avancerons même de quelques mètres sur la voie car le train est en réfection. En sortant de celui-ci, nous croisons des hommes qui se battent pour la sauvegarde de la gare. Supportés par Sud-rail en France, qui leur a fourni un support logistique (tracts, banderoles), ils espèrent pouvoir continuer à la faire vivre. Espérons que le gouvernement les entendra.

Hier après-midi, visite de l'île de Ngor avec Khady et son petit. Traversée mouvementée en pirogue. Amerrissage sur ce petit bout de terre paradisiaque. Toure Kounda et France Gall y ont élu domicile. C'est pour dire. On fait un petit tour, s'arrête à une galerie de peintures, puis sur la plage pour boire un verre. Pendant que nous sirotons notre Coca, le fils de Khady tombe sa chemise et pars à la pêche aux oursins. Fructueuse. Le repas du soir sera agrémenté de ses succulents mets. Il faut s'en retourner car Ouzin et son ami Aliou donnent un petit concert à l'Hôtel Via Via. A deux pas de chez nous. Là le contraste est saisissant. D'un côté le groupe Yakaar qui distille plusieurs morceaux sublimes, tantôt calmes, tantôt plus rythmés. De l'autre, quatre Toubabs (blancs) littéralement scotchés à leur ordinateur alors que sonne l'heure des chanteurs. Ils n'entendent même pas la mélodie. A peine lancent ils un regard blasé de temps à autre. Quelle tristesse. On applaudit pour deux.

Quelques morceaux plus loin, il faut partir pour la seconde partie de soirée. Concert au restaurant Le Taureau plus près de Dakar. Taxi, transfert, set up et c'est parti. Enfin presque. Le micro tousse un peu. Il ne répondra plus. Aliou devra forcer un peu plus sa jolie voix. Pas de bol, il est enrhumé ce soir. Les musiques s'enchainent et le public s'emballe. L'attention et le succès sont ici au rendez-vous. Ils joueront de 21h environ à presque 1h du matin. Magnifique soirée. Avec de délicieuses petites brochettes de viande marinée pour l'estomac combler. Il est tard, il faut rentrer, un petit taxi et la nuit pourra commencer.

2/18/2010

Rigueur, compétence, discipline



La formule pourrait sonner comme une devise nationale. Elle est écrite sur une pancarte accrochée à l'arrière du taxi brousse qui nous devance. Au premier coup d'œil sa véracité reste à vérifier. Porte arrière entrouverte, trois types bien cramponnés, le nez dedans, le corps dehors. Suspendus au dessus du vide par une petite plateforme de fortune en guise d'extension ultime avec vue sur le goudron.

Rigueur. Pourquoi ne pas monter dans un vieux bahut rafistolé de partout? Un qui a sans doute vu les bouleversements du siècle passé. Que la rouille ronge par petits bouts. Camouflée par des couches de peinture comme s'il en pleuvait. Un taxi brousse pas beaucoup plus spacieux qu'un minibus et qui pourtant embarque jusqu'à quarante personnes. Des rangées de deux de part et d'autres et au milieu des strapontins pour faire l'appoint. Pourquoi ne pas partir pour l'aventure? Pour lever les voiles il lui faudra patienter jusqu'à ce que la bête soit rassasiée. Pas de perte de place. Ainsi va l'économie. L'ergonomie aussi. Bien calé contre son voisin, l'on voyage plus serein. Il s'agit donc de respecter une certaine rigueur afin de se mouvoir grâce au bel engin. On ne sait quand on part, on peut à la rigueur tenter de deviner l'heure d'arrivée. Pas gagné. 40 km pour le trajet d'aujourd'hui par exemple. Soyons pessimiste, une heure devrait faire l'affaire. Mais le pessimisme Européen a vite fait de se transformer en optimisme Africain. Un peu plus de deux heures pour couvrir la distance.

Compétence. Pratiquer les routes Africaines dans de tels bolides nécessite un pilotage pour le moins savant. Les conducteurs de taxi brousse se révèlent de grands pilotes. Précis, patients, avec un sens de l'anticipation aigu. Car les embûches sont multiples tout au long du périple. La route pour commencer. Bien sûr quelques petites parties sont lisses et goudronnées. Là on rigole et on fonce. Mais la grande majorité des voies sont recouvertes de nids de poules et autres embarras. Petits, moyens ou gros trous, il n'y a qu'à choisir. Les chauffeurs pratiquent ici avec grande compétence l'art divin de l'esquive. Mais si un trou peut en cacher un autre, les trous ne sont pas seuls à boucher les perspectives. D'autres véhicules pour commencer. Camion de marchandise, voitures, 4X4, scooters. Et enfin quelques attelages tirés par des chevaux viennent parachever le tableau. Parfois de route il n'y a pas. Une piste cabossée, chahutée s'ouvre alors. Le rythme doit nécessairement baisser et le taxi en serpent des sables se muer.

Discipline. Elle est nécessaire. Tout au long de cette grande aventure qu'est le trajet en taxi brousse. Faire plus ou moins la queue pour y entrer. Déterminer le moment propice si l'on ne veut point poireauter. Discipline encore au moment de pénétrer dans l'engin. Bien prendre sa place. Pas n'importe où. Le taxi se remplit de la proue à la queue. Parfois il convient d'enjamber son voisin afin de gagner un petit espace qui se serait laissé oublier. Pour sortir aussi. Si par chance vous êtes sur le strapontin, il vous faudra sans doute lever votre popotin. Pour que ton voisin puisse sortir à l'arrêt de sa convenance. Ne cherchez par les abris-bus le long des voies. Il n'y en a pas. Pour descendre, l'on frappe plusieurs coup sur la tôle du véhicule. Quelqu'un fait le même signe pour dire qu'il peut repartir. Discipline enfin pour s'acquitter du montant du trajet. Pas vraiment de prix fixe. Il faut s'entendre avec le contrôleur placé au cul du bahut. On ne paye qu'une fois en route. Répondre à l'appel. L'homme interpelle les uns après les autres. L'argent circule de main en main. La monnaie parfois revient.

Rigueur, compétence, discipline. Une fois ces trois notions bien intégrées dans l'esprit du routard aguerri, le voyage s'ouvre à lui et lui sourit. Typique, immergé dans la vie quotidienne, ponctué d'instants magiques qui abreuvent ses veines.

2/16/2010

Cap Ouest




Départ pour Dakar. Sans sommeil. Nuit difficile. A cause d'une angine carabinée. Fièvre et infection buccale. Difficulté d'avaler quoi que ce soit. Boire, respirer ou manger sont un petit supplice. Espérons que l'Hôtel nous aura envoyé quelqu'un nous chercher à l'aéroport de Dakar. Sinon ça risque d'être un peu rock'n roll. En attendant j'ai envie de fumer. Mais je ne peux pas.

Complètement à l'Ouest, entre la fièvre et le manque de sommeil. Comme dans un mauvais film. La sensation n'est guère agréable. Le petit hôtel qui donne directement sur la plage de Yoff où normalement nous nous rendons devrait nous reposer. Un ou deux jours à souffler, à se soigner, à manger des légumes et des fruits. C'est devenu une nécessité. Jusqu'à ici notre régime principal s'est partagé entre paninis, sandwichs Kefta, Pizzas et hamburgers. Bon marché mais pas forcément magnifique pour le transit. Il est temps de se nourrir correctement, quitte à cuisiner si l'on en a la possibilité.

Attente dans l'aéroport de Casa. Semblable à n'importe quelle attente. A la douane, le contrôleur me regarde d'un sourire enjôleur. Il me demande si c'est la première fois que je viens au Maroc. Je lui dis que oui. Il fait ses recherches et me sort 'c'est la troisième fois au Maroc Gabriel'. Je persiste et signe. Il s'incline. Curieux type. Nous montons dans un avion énorme. Premiers échanges avec notre voisin Papa Amadou Faye. Assureur de son état. En provenance du Canada. Il nous explique que nous sommes dans un avion qui 'ramasse' des gens d'un peu partout en Europe. L'engin est énorme. Il a l'air plutôt rassurant. Nous discutons par bribes le long du voyage. L'homme nous parle de son Sénégal, cette terre de la Teranga, où l'hospitalité n'est pas un vain mot. Descente sur Dakar. Premiers pas en Afrique de l'Ouest. L'émotion est grande mais la fatigue l'est aussi. Il est presque minuit.

Encore une petite fiche de renseignement et le Sénégal s'ouvre à nous. On sort dans la nuit, un peu égarés. Dix mille taximen nous proposent leur service. Essayons de leur expliquer que l'hôtel nous en a envoyé un. Où est-il d'ailleurs? Impossible de le localiser. Tentative de retrait d'argent au guichet. Hors service. Tout va pour le mieux. Finalement un grand panneau avec notre nom sonne comme la promesse d'une douce nuit de sommeil. Merveille. Cap sur l'hôtel. Dodo.

Réveil au son de l'Océan. Plage de Yoff. Petit déjeuner paradisiaque face aux vagues musclées d'une mer enragée. Le bleu vert de l'eau est à mettre en tartine. Doux mélange avec la confiture d'abricot. Bien retapés, nous voilà parés pour la première journée au cœur de l'Afrique de l'Ouest. On pense d'abord à se dégourdir les gambettes. De plus nous n'avons pas d'argent. Ce n'est pas un souci. Mustapha, chauffeur de taxi, nous emmène où l'on veut. Tournée des banques. Puis des hôtels pour les nuits suivantes. Invités à aller chez lui voir sa famille et où il vit. Nous faisons même connaissance avec ses quelques chèvres. Puis retour à la plage, où ses potes ont une petite cabane. Ici les cigognes Marocaines ont fait place aux rapaces. Ils tournoient au dessus de la ville. Préparation du thé traditionnel. Thé noir bien fort et sucré. Pourquoi sont-ils allé chercher la recette du Redbull? Tout était là.

Mustapha nous fait faire le tour de Dakar. Nous montre les îles de Ngor et de Gorée, les camps militaires Français, la radio de Youssou N'dour, un village de pêcheur, la statue colossale de la renaissance de l'Afrique, qui surplombe l'Océan sur l'une des deux collines que l'on nomme les Mamelles. Le Palais Présidentiel, le Théâtre National de Daniel Sorano, la radio Sénégalaise. On tente d'aller à la gare pour avoir des renseignements sur un train Dakar Bamako. Elle semble un brin désaffectée et surtout très fermée. Normal elle est en attente de devenir un musée. Elle est fermée depuis plus d'un an. Plus de train donc. Il faudra prendre le bus. Qu'à cela ne tienne.

Avec Mustapha on déguste un Tiebou dien, plat national de riz au poisson agrémenté de légumes. Un délice. Succulent. Que d'images et de sensations différentes dans l'esprit. Pleins d'odeurs aussi. La vie fourmille ici. Les gens sont vraiment très accueillants. Ils ont l'air fondamentalement gentils. Etonnants aussi. En bord de mer vers 18h, une foule compacte vient pour 'le sport'. Ces jeunes en grand nombre courent, sautent, rampent, font des pompes. Suent à grosse gouttes. Ils s'entraînent pour la lutte, nouveau sport national qui dépasserait même le football selon notre guide. Motivés ils le sont, on ne saurait en douter.
Après cette journée si magnifiquement occupée, retour à l'hôtel. Petit repos puis dîner. Poulet Yassa et Thiou. Merveille des papilles. De si beaux rêves nous attendent. Plus qu'à poster ces quelques nouvelles et à tomber à la renverse. Si ce n'est pas déjà fait.

2/13/2010

Casablanca



La pluie jusqu'ici nous suit. Quelques averses par là, par ci. Court voyage en train, met en forme le pèlerin. De Rabat, nous gagnons Casablanca. Un peu plus au Sud, toujours le long de l'Océan Atlantique. Immense ville. La quatrième plus grande de toute l'Afrique. Avec des parties assez disparates. Des quartiers font plus ou moins européens. On y trouve les enseignes et les marques les plus connues. D'autres parties semblent beaucoup plus modestes. Autour de la grande Mosquée Hassan II par exemple. En arrivant de l'ancienne Médina, on trouve au bout du chemin, juste avant d'arrivée sur l'esplanade de la Mosquée, un quartier aux infrastructures très spartiates. Peu de magasins. Quelques boutiques éparses. Là un garage. Ici un télé-boutique. Pas mal de maisons 'patchwork'.

En route vers la Mosquée, dieu, s'il existe, nous fait signe. Alors que nous marchions tranquillement sur la gauche de la voie, un scooter avec deux garçons arrivait en sens inverse. On pouvait également entendre une mobylette avancer dans notre dos. Après un regard échangé avec le conducteur du scooter, celui-ci a commencé à zigzaguer comme pour nous impressionner. Quelques secondes et le jeune homme perd le contrôle de son véhicule. Surpris par sa trajectoire l'homme à la mobylette ne peut réagir. Les deux engins se télescopent copieusement à nos pieds. 50 cm de nous environ. Et chose étonnante, alors que l'on voit et l'on entend souvent des gens s'invectiver dans les rues, ceux-là ne crient pas. Ils se relèvent tranquillement. Constatent les maigres dégâts. Fin de l'incident.

La grande Mosquée de Casa est gigantesque. La plus grande du Maroc. Son esplanade s'étend sur une superficie infinie. Par sa taille, elle met au rencard la Saint-Marc de Venise ou encore le Vatican de Rome. En plus neuf bien entendu. Tout cela manque encore de patine. L'empreinte du temps fera son œuvre. La tour du Minaret parait vers le ciel s'élever. Ses 200 mètres aimeraient les cieux tutoyer. Chatouiller tout du moins. La Mosquée peut accueillir jusqu'à 25000 fidèles pour la prière. Titanesque. Comme pour tout lieu de culte musulman, on décèle une entrée pour les femmes et une autre pour les hommes. Ici il n'y a pas photo. Alors que la porte pour les hommes est immense et se repère au premier coup d'œil, celle réservée aux femmes est beaucoup plus petite et discrète. Sur le côté. Elles entrent presque à la dérobée.

Moins de personnes nous abordent ici. Peut être notre air décidé, marchant droit devant, fait son effet. L'hôtel que nous avons pris pour deux nuits s'avère très agréable. Douche et toilettes particulières. L'eau chaude toute la journée, ce qui n'est pas le cas partout. Seul petit hic, les fenêtres se ferment mais peuvent être ouverte de l'extérieur. Après une discussion et une visite avec un des tenanciers, l'on se rend compte que toutes les chambres sont logées à la même enseigne. Il affirme que le nuit il y a un veilleur et que c'est sécurisé. S'il le dit, inch'allah.

Étonnant de passer par Casablanca. Son nom sonne comme un mythe. Il y a Bogart évidemment. Mais il évoque pour moi les échanges, le commerce, le port, les grandes et longues traversées transatlantiques. Un autre époque. Pleine de paquebots. Plus gros les uns que les autres. Quelque chose de suranné. Voire de désuet. De bien plaisant malgré tout. En attendant les vibrations de Dakar, autre port très important, la maison blanche nous accueille avec douceur, chaleur et quelques minuscules gouttes de pluie.

2/12/2010

Sacré Salé



Réveil dans la brume. L'esprit, pas la météo. Pourtant pas veillé tardivement. La fatigue inhérente au voyage et aux multiples sollicitations à longueur de journée probablement. Bref, tellement dans les vapes qu'arrivés à la gare (de train pour une fois) je m'aperçois que je n'ai pas rendu la clef de l'hôtel. On sollicite un taxi pour faire l'aller-retour vite fait. Le chauffeur nous dit qu'il connait bien cet hôtel et qu'il passe la rendre pour 10 Dinars. On ne réfléchit pas. On lui donne la clef et la pièce. Gageons que l'homme sera honnête et ramènera comme il l'a dit l'objet de l'oubli. Dans le train jusqu'à Salé, aux portes de Rabat, le doute s'installe dans mon esprit. Nous aurions dû ramener cette clef nous-même. Le fait est que l'on perd un peu ses repères ici. Alors parfois l'on ne réfléchit pas suffisamment. Ou simplement différemment.

Sur la route, l'on voit des scènes pour le moins étonnantes. Mon regard s'est arrêté sur un moyen de locomotion assez atypique. Sorte de fiacre. Pont entre passé et modernité. Une cabine de camion routier a été placée sur un attelage et est tirée par un cheval blanc assez malingre. Effet garanti. Le paysage défile et avec lui son lot d'étonnement. Le long des voies on voit parfois de petits hameaux faits de bric et de broc. Les toits sont de simples bâches ou de la tôle ondulée. Les murs quand ils existent sont à moitié défoncés. Beaucoup de détritus le long des rivières et des rues. Même au bord de la Méditerranée à Rabat on en trouve. L'écologie ne semble pas être la priorité. Ce qui parait compréhensible.

Descente en gare de Salé. Taxi pour la Médina. Cette petite ville côtière semble assez décatie. On tourne pendant une quinzaine de minutes afin de dénicher un hôtel. Puis un homme d'un certain âge nous accoste. Les présentations faites, il nous explique que la ville ne fait pas grand chose pour le tourisme. Que les personnes qui la dirigent se concentrent essentiellement sur leur argent et leur villa. Tout cela pour aboutir à la conclusion qu'il n'y a pas d'hôtel ici. Mis à part un complexe hôtelier plutôt luxueux d'après notre informateur. Qu'à cela ne tienne. Marche arrière toute. Retour à la gare départ. Même pas besoin de reprendre un billet car les nôtres allaient jusqu'à Rabat.

Pas d'attente, le train arrive derechef. A la bonne heure. Quelques minutes plus tard nous voilà dans la capitale administrative. Hôtel dans l'ancienne Médina. 120 Dinars la nuit. L'aubergiste nous confie la 14, proclamée 'chambre des européens' car un grand lit double elle contient. Inspiration. Expiration. Repartis se balader dans la ville. On fonce vers la côte. Nous pénétrons dans un cimetière. Iwona commence à faire des photographies. Soudain un homme nous interpelle. Vite rejoint par une dame remontée. Ils nous notifient qu'il est interdit de prendre des photos dans un cimetière. Pire, il est même interdit pour nous d'y pénétrer. Tout cela selon les dires de la dame. Étonnant pour la présence. Je ne pense pas qu'elle disait vrai. Qu'importe. Un phare le long de la mer nous interpelle. L'appel du large. L'eau est plutôt déchainée. Des déferlantes d'un mètre cinquante deux mètres.
École de surf. Des écoliers dans les vagues appliqués. Entrée dans la Casbah qui longe la côte. Un homme commence à nous suivre et à nous raconter l'histoire des pavés. On aimerait juste se promener. Mais il est déterminé. Crée au 12e siècle, la Casbah abrite des familles européennes et même américaines. Au bout de quelques minutes, le passant déguisé en guide nous annonce la suite de la visite et précise en baissant le ton de sa voix que ce sera 120. On demande plus de précisions sur la nature de ces honoraires. Refus. Il demande quand même quelque chose. On lui donne. Il nous parle d'aumône. L'affaire devient un brin énervante.

Retour à l'hôtel par d'autres petites ruelles. Peut-être s'agit-il de fatigue mais j'ai trouvé la journée moins dorée. Sans doute aussi car il s'avère difficile d'échanger réellement avec les personnes que nous rencontrons. Notre aspect européen nous associe automatiquement à l'argent. Et si nous avons effectivement rencontré jusqu'ici plein de gens charmants, la relation reste la plupart du temps commerciale. Il ne s'agit pas de le déplorer, car nécessité fait loi. Ce pays reste pauvre et nous représentons un bénéfice possible. Simplement l'on aimerait mieux discuter plus avec les gens. Comprendre plus justement de quoi retourne leur quotidien. Quelles sont leurs espoirs ou leurs aspirations. Mais notre périple Marocain ne touche pas encore à sa fin. D'autres belles rencontres nous attendent sur le chemin.

2/11/2010

Fès ce qu'il te plait



Les cigognes planent au dessus de Fès. Du coin de leur regard perçant, elles guettent le chaland. En provenance d'Europe comme nous, venues chercher le soleil. Un peu à notre façon également, elles décrivent de grands cercles au dessus de l'ancienne Médina. Leur vue est plongeante tandis que nous sommes dans la ville plongés . Elle s'active comme une fourmilière. Passée la quiétude de Chechaouen la délicieuse, à nouveau au cœur d'une cité en mouvement perpétuel. Ici la foule vous englouti. Toujours ces personnages postés un peu partout. Scrutant alentour. Mais la grande majorité donne l'impression d'être pressée. Si quelques uns tentent à nouveau leur chance auprès de nous, qui pour servir de guide, qui pour manger à bon marché, qui pour visiter une coopérative artisanale, nous traçons notre route pour nous égarer dans le Souk.

Bonheur infini de se perdre dans la vieille ville. On ne sait où l'on est mais l'on sait où l'on va. Droit devant. Ou bien à gauche. Puis à droite. Notre orientation se veut maladroite. Autant ne pas avoir de destination précise en tête, ainsi persiste le plaisir de la découverte. Un homme qui travaille au Palais Royal fait sa pause déjeuner. Entre 11 et 13h. Il nous invite à découvrir le joli panorama de la maison bleue. Celle-ci est plutôt blanche mais le paysage vaut le détour. Hasard du destin, il s'avère qu'elle fait aussi coopérative artisanale. Ici les tapis, là les Djelabas. Bijouterie, maroquinerie, produits de coquetterie. Que l'embarras du choix. Le vendeur explique comment il part de temps à autre à travers le désert jusqu'à Tombouctou. Il y troque son artisanat contre celui de là-bas.

Petite boite ronde en métal surplombée d'un os teinté (sic). Marchandage. Affaire conclue. L'objet est heureusement menu. A peine plus gros qu'un dé à coudre. Il n'alourdira pas trop notre paquetage. Il faut bien quelques souvenirs matériels aussi. Et puis l'homme était si gentil. Replongée dans la Médina. Alternance de rues ensoleillées et ombragées. Une foule toujours compacte et pressée. Impressionnante de vitalité. La soif nous gagne. Arrêt dans un bar lounge afin de souffler. Une carte assez européanisée. On peut notamment y déguster du foie-gras de canard à la confiture de Figue. Pas pour cette fois. Pour 80 Dinars (8 euros environ). La jeune fille qui y travaille nous propose de visiter une tannerie. Elle nous emmène dans de petites ruelles plutôt sombres et nous confie aux mains d'un 'guide de la tannerie'. Montée sur les cimes de la demeure pour surplomber la fabrique. L'homme nous tend un brin de menthe 'pour l'odeur'. D'abord interloqués, l'on comprend vite de quoi il retournait. De fortes odeurs de peaux remontent jusqu'en haut. Prennent à la gorge. Un peu fort les premières minutes, l'organisme s'adapte assez vite.

Tentative de vendre un beau blouson de cuir pour la gazelle. Avortée. On ne peut tout acheter. Remontée de la Médina. Arrêt pour manger dans un boui-boui. L'intérieur doit faire 1, 5 m² cuisine comprise. Délicieuse viande hachée mélangée avec des herbes et épices. La Kefta. Moins fin que la Pastilla. Celle d'hier soir était divine. Il s'agit de viande de poulet broyée, mélangée à des épices, amandes, cannelle, cuite dans une pâte un peu feuilletée. Nappée de sucre en poudre, cela fait chanter le mélange salé sucré. Régale des papilles. Retour à l'hôtel pour étendre un peu les gambettes. Mine de rien nous avons avalé une bonne dizaine de kilomètres. Le rythme, la foule, tout cela contribue à cette bonne fatigue qui accompagne le coucher du soleil.

Chaque nuit vers 5 heures du matin, alors que je dors d'un profond sommeil, a lieu le premier appel à la prière. Cinq ont lieu dans la journée. C'est un moment assez particulier. Même si je dors mais j'entends malgré tout la voix du Muezzin qui rend gloire à Allah et invite à venir le célébrer. Alors, en me réveillant quelques heures plus tard, l'esprit baigne toujours dans ces sons nouveaux. Ils imprègnent les oreilles.

Demain nous quittons la ville. Sans doute pour aller dans une ville plus petite. En train, nous mettrons le cap à l'est pour gagner la côte et peu à peu se rapprocher de Casablanca. Nous y décollons lundi prochain pour Dakar. Un voix éclairée nous a conseillé de tenter la piste de Sale. Juste à côté de Rabat, la carte indique des jardins exotiques. Y retrouverons-nous quelques cigognes ayant flairer la présence de fruits?

2/10/2010

Aléas à la Casbah



Matin. Tentative de débuter tôt la journée afin de la lumière du soleil profiter. Histoire de faire de belles images. Un coup pour rien. Brumes et pluies sont de sortie. Quelques jolies scènes tout de même. Une femme remontant la ruelle, chargée de petit bois qui fait qu'on ne la distingue presque pas. Jeune chat roux. Croisé la veille. Miaulement familier. Les ânes ravitaillant les bouteilles de gaz passent et repassent. Pas d'égarement aujourd'hui. Le labyrinthe devient un ami.

Hier soir les dieux me sont tombés sur la tête. Allant simplement dans les lieux d'aisances pour m'adonner à de naturels besoins, je ne prête attention à la hauteur de la porte. En ressortant, je me découpe le crâne en deux sur le bois de l'encadrement. Je commence alors lentement à me vider de mon sang... Enfin très lentement. Disons par petite goutte. L'hémorragie stoppée deux heures après, mes besoins naturels à moi se rappellent. L'affaire faite, sortie machinale de la pièce. Pourtant peu l'habitude de faire deux fois la même peccadille. Bang. A deux centimètres du premier impact voilà qu'un second trou s'invite. Nouvelle perte de plusieurs litres de sang. Difficile à réellement quantifier. Mais la souffrance était immense.

Les médias et les gens véhiculent beaucoup de clichés sur l'Afrique. Présenté comme le continent du soleil, il n'en est parfois rien. Ou pas grand chose. Perchés sur les hauteurs de l'Hôtel Nisrine de Chechaouen, l'on pourrait croire qu'il fait chaud près des étoiles. Et bien 'La' (non en arabe). A partir de 22h nous avons pu constater un premier signe inquiétant. Alors que nous ne fumions pas, de la buée a commencé à sortir de nos bouches respectives. Un instant drôle, l'affaire se refroidit rapidement. Le thermomètre passe en quelques minutes sous la barrière de la raison. Une heure plus tard nous voilà transformés en glaçons. La glace gagne peu à peu la chambre. Celle-ci se mue en igloo. On décide alors de faire un brin de patin à glace autour du lit. L'espace est réduit. Mais l'idée est romantique et nous plait. Faites donc bien attention quand vous dites qu'en Afrique il fait chaud. Au Nord la nuit passe parfois un blizzard qui vous glace dare-dare. Un froid à vous faire perdre raison et discernement.

Ponctualité est mère de sûreté. Surtout ne pas tarder pour attraper le bus d'11h45 à la mi-journée. Arrivée à la Gare routière à 11H15. Rien ne peut nous stopper dans notre marche en avant. Sauf peut-être un Roi. Annoncé depuis quelques jours en visite à Tetouan, le Roi du Maroc y a finalement atterri aujourd'hui. Peut-être est-il arrivé en bus lui aussi? Mais qui dit venue du Roi, dit fermeture des routes. Et oui. Il ne s'agirait pas qu'il s'échappe. Déjà qu'il fait peu de visite dans ces contrées reculées. Alors quand ils le tiennent ils ne le lâchent pas. Du coup les bus en provenance de Tetouan, qui passent par Chechaouen avant de filer vers Fès prennent du retard. On partira finalement à 13h30 pour arriver aux alentours de 19h. L'attente nous aura permis de rencontrer deux voyageurs Canadiens. Petit thé en attendant le bus. Échange des expériences. On se rend compte que le même marchand nous a alpagué hier. Sacré Abraham. La même photo avec eux. Nous qui pensions être uniques. Quelle cruelle déception! Sympathique moment avant de reprendre la route chacun de son côté.

L'un des charmes du voyage se trouve dans les petites mésaventures quotidiennes. Elles ont leur utilité. Permettant par exemple de sortir sa trousse remplie de trois kilos de médicaments. D'y dénicher un pansement. Et s'alléger de trois grammes seulement. N'allez pas croire que j'ai frôlé la mort, que nous soyons passé à deux doigts de voir nos membres tomber les uns après les autres ou que nous poireautons des journées entières pour trouver d'improbables bus. Le Maroc se prête aux petites exagérations. Les menues tracas se mêlent aux bons souvenirs. Ils prêtent à sourire. Pas de quoi en avaler sa Djelaba.

2/09/2010

Océan dans les montagnes



Levés dès potron minet. Il faut aller à la Poste afin d'envoyer le joli tapis berbère acquis hier. Dans nos sacs, plus de place pour un quelconque poids supplémentaire. Un petit taxi pour la Gare routière. A l'entrée encore une fois la criée. Tout ce petit monde veut savoir où l'on va. Ça paraît plutôt sympa. On répond Chechaouen à l'un d'eux qui nous donne du 'seigneur'. Bien trop d'honneur. Il faut le suivre. Un autre nous approche à son tour. Le ton monte entre les deux. Bisbille virulente mais vite surmontée. Notre 'rabatteur de ticket' empochera 10 Dinars pour son aide, 5 de notre part plus 5 de commission sur nos bagages. Quand le petit commerce va, tout va.

A la sortie de Tétouan, une fabrique de ciment. Lafarge. Rassurant. Plus le temps pour l'œil d'accrocher la ville qui s'éloigne. On s'engouffre déjà dans les montagnes. Les routes à flanc de paroi sont aussi tortueuses qu'étroites. Des paysages d'un vert chatoyant embrasent le regard. Quelques habitations isolées. Très isolées. Parfois le long de la voie, de jeunes écoliers, cartables dans le dos, attendent patiemment le véhicule qui les mènera sur le chemin de l'école. Certains ne doivent pas avoir plus que 4 ou 5 ans. Bricole. En s'enfonçant un peu plus dans les hauteurs qui jalonnent le Rif on aperçoit sur les pentes de curieux petit tas de pierres blanches. Pyramidaux. Ils dessinent ce que l'on peut deviner être des lignes. Peut-être une façon de délimiter la propriété? Qui sait?

Après un peu plus de deux heures, le bus monte une dernière cote pour le moins raide. La Porte de Chechaouen est franchie. Il pleut des hallebardes. L'endroit paraît beaucoup plus intime. Extrêmement différent. La cité est perchée à flanc de montagne. Tout de suite frappés par ce bleu azur qui recouvre les murs. Presque l'impression d'être sous la mer. Merveille absolue. Les rues de la Médina montent et descendent. Étroites, escarpées. Elles respirent la sérénité. Dans les cafés, les hommes s'adonnent avec ferveur au jeu de Parshi. Il ressemble un peu aux petits chevaux mais n'en est pas un. Plus nous n'en saurons rien. Un peu plus loin, l'hôtel Nesrine nous trouve sur son chemin. A l'intérieur un grand patio bleu décoré d'art arabo-andalou. Il donne la sensation de se trouver dans l'un des contes des milles et une nuits que l'on nous narré quand l'on était petit. Plus l'on s'enfonce dans le territoire Marocain, plus le prix des chambres baisse. Ici pour une belle chambre bleue, propre avec douche sur le palier, il faut compter 120 Dinars (moins de 12 €).

Plongée dans la Médina. Très peu de gens par rapport à Tanger ou Tétouan. La ville compte à peine 35000 âmes. Le dépaysement est entier. Murs maculés de bleus plus ou moins vifs. Si les habitants sont discrets, les chats se croisent en nombre au coin d'une rue, au soleil dans l'encadrement d'une porte ou perchés sur un poubelle ouverte. Chacun a le droit de se restaurer. Un homme qui travaille la laine pour confectionner tapis, étoles, djellabas et bonnets, nous convie à boire le thé. Et par la même son atelier visiter. Démonstration avec l'un de ses outils de travail pour faire les bobines de fil. Une roue de vélo a été bricolée. Rattachée à un roulement. Parfait fonctionnement. Efficace et rapide. Son travail est remarquable. Il souhaiterait nous vendre l'un de ses ouvrages. Nous n'avons malheureusement pas de place. Il faut savoir être sage. La route est encore longue.

Une petite heure de marche, cela creuse le pèlerin. Rien de tel qu'un petit hamburger Marocain. Ou deux. L'appétit vient en mangeant. Le couscous aux saveurs de cannelle y est également délicieux. Le cadre ravissant. Petites tables en bois recouvertes de tapisseries, banquettes traditionnelles, un fond de reggae pour le tout accompagner. Sortie du petit palais des délices, direction la place Uta el-Hammam. Jolie mais touristique. Au moins une douzaine d'allochtones. Beaucoup de petites échoppes dédiées à ceux qui veulent consommer. Dans un recoin le Hammam. Un jeune homme nous confiait hier que ses prix en fonction du sexe diffèrent. Ainsi les femmes paient plus cher. Soi-disant parce qu'elles y passent plus de temps. Nous dit-il en de amples mouvements mimant. Qu'importe. La ballade continue, mais les pattes commencent à se faire un peu plus lourdes. Pourquoi ne pas rentrer doucement vers l'hôtel? Mais dans l'océan, le navigateur peut à tout instant s'égarer. Ce dédale de petites ruelles peut vite se transformer en un labyrinthe redoutable. On tourne, retourne. Du juste chemin l'on se détourne. Après être passés à plusieurs reprises aux mêmes endroits, tout en suivant les indications de bonnes âmes, une personne nous place dans les mains d'un jeune bambin. D'aspect très modeste, il semble avoir 7 ou 8 ans. Suivons son rythme effréné. Le garçon est un homme pressé. Quelques minutes puis le retour en terre familière.

Un dernier commerçant nous alpague. Cela prendra une minute. Et cela lui ferait tant plaisir. Comment résister? L'homme est chaleureux, optimiste, joyeux. Un personnage. Il nous montre ses herbes magiques. Pour la vigueur de la gazelle et du gazeau, la digestion, la douceur des cheveux et de la peau. Une herbe pour chacun des maux. L'on repart avec de la menthe des montagnes qui se fume pour lutter contre le rhume. Inspirer par la bouche, par le nez expirer. Sans oublier le mélange d'herbes qui tient lieu d'infusion. Superbe journée dans une ville extraordinaire. Typique, charmeuse, paisible, fameuse. Quelques gouttes de pluie ne gâtent pas l'embellie. Peut-être un bus pour Fès nous attend demain matin. 4 heures et demi en maintenant le cap au sud. Mais demain est un autre jour.

2/08/2010

Rififi aux pieds du Rif



Dieu que la nuit fut bonne. Que la vie vous sourie quand on jouit d'un bon lit. Dormir à l'horizontale finalement cela ne fait pas de mal. Seul bémol au tableau, l'eau. En grande quantité elle tombe du ciel. Pas de panique, nos sacs sont équipés de k-way intégrés. Quand à nous, on finira bien par sécher. En face de l'Auberge se trouve un salon de thé. Va pour un petit-déjeuner complet. Pour 16 Dinars (un peu moins d'1€60), voilà un bon café noir sévèrement serré, un œuf dur, des olives, un yaourt et des Baghrir, sorte de crêpe fourrée de fromage blanc et nappée de miel. Aussi délicieux que copieux. Entre deux averses, la route vers la gare routière s'ouvre enfin à nous.

En entrant dans le lieu, on pourrait penser s'être trompés. Et être à la criée. Des noms fusent dans tous les sens, comme autant de promesses d'ailleurs. Pile à l'heure pour notre kar (en arabe dans le texte) de 10h30 en direction de Tétouan. Le prix du trajet reste relativement modique (27 Dinars plus 20 pour les bagages). Ce bus, qui ne fera sans doute pas de vieux os, prend légèrement l'eau. Un homme essuie sa casquette. Un sourire orne sa tête. Lovés au fond de l'engin, nous assistons trois minutes après le départ à une scène pour le moins ubuesque. Une femme interpelle le contrôleur des tickets. Le ton monte très rapidement et la dame se lève pour en découdre avec ce type. Heureusement, son mari la retient. Après un savant échange de jurons et quelques minutes de tension, la sanguine renonce au combat.

Sur la route se dessinent peu à peu les montagnes. Quelques habitations ça et là. Très isolées. Le rythme est bien moins élevé qu'en Espagne et l'on peut plus aisément profiter du paysage. Un fil rouge le long des routes, le drapeau Marocain avec son étoile sur fond rouge. Tous les 500 mètres, on le retrouve par brochette de trois. Arrivée à la gare routière de Tétouan. Taxi. Centre-ville. Office de tourisme. Hôtel pour la nuit. Retour dans la rue.

Dans la rue, les barricades sont de sortie. La ville attend la visite du Roi dans la journée. Après recoupement de l'information, il s'avère que cela fait plusieurs jours qu'il fait patienter ses ouailles. Peut-être le croiserons nous? Inch'allah. Devant le kiosque à journaux, Iwona dit qu'elle aimerait acheter un canard local. Avec une malice certaine dans les yeux, un monsieur lui demande si elle sait lire l'arabe. Nous commençons juste. Il faut bien admettre que c'est un peu prématuré. La discussion s'engage avec Ahmed Elmeri Merini, charmant journaliste à Casa FM. Quelques minutes passent nous l'invitons à boire le thé. Il nous conduit à son salon préféré. Et commence à nous narrer l'histoire de Tétouan (Tetawin signifie les yeux). Nous dissertons sur les rapports délicats entre l'Espagne et le Maroc, les trois choses à respecter pour un journaliste Marocain (le Roi, l'Islam et la patrie). Il évoque l'éducation que lui seul peut à ses enfants donner, car sa femme ne jouit pas d'autorité. Nous ne pipons mot. Je sens Iwona bondir. Un peu plus d'une heure passe dans une ambiance agréable. Notre invité finalement nous invite. Puis il nous indique un petit bouiboui dans lequel nous nous régalons de poulet frit, de frites maison et de riz au safran.

Il est grand temps d'aller arpenter les sentiers de la Médina. On y rentre par ces jolies portes ogivales les 'Bab quelque chose'. Tout de suite ça met en confiance. La ville, qui jusqu'ici semblait paisible, accélère nettement son rythme. Une des choses qui frappe en premier tient dans les odeurs qui viennent taquiner le reniflant. Effluves de poissons et d'épices. Quel charme profond. Des échoppes de part et d'autres, une foule qui s'affaire dans une mince ruelle, des poulets en vie, d'autres pas, des chats. De vieux bougres qui jouent devant une poignée d'observateurs qui s'emballent et les chambrent. L'existence bat son plein. On s'arrête devant une porte ouverte, un monsieur juché sur des escaliers nous invite à entrer. La tannerie. Peaux de moutons disséminées, bassins à l'eau plus que trouble. Un peu plus loin œuvrent les menuisiers. Orfèvres du bois, ils excellent dans l'art de sculpter les portes.

Palais du Roi. Un jeune garçon nous accoste. Il propose de nous montrer les ateliers berbères de tapis. Sans vraiment résister nous le suivons et nous engouffrons dans le souk. L'affairement de la Médina contraste avec le côté paisible du souk. Après quelques détours nous voilà dans une maison au carrelage superbe, les murs tapissés de bien belles ouvrages. Un escalier nous emmène sur le toit d'où l'on peut admirer Casbah et Médina. Retour dans une salle remplie de tapis. Le maître des lieux nous invite à boire le thé. Riche et chaleureuse idée. Un jeune homme commence à les déplier les uns après les autres. Une bonne trentaine défile. Puis les retirant un par un, nous devons indiquer si nous souhaitons ou non connaître le prix. On se dit que le prix est seulement un premier pas. Qu'il sera toujours temps d'affirmer clairement que de place nous ne disposons pas. Mais oui mais oui...Notre joli tapis sous le bras, nous voilà sur le chemin de la grande Mosquée. Un brin fatigués par la multitude de parfums, de saveurs, d'images, de rencontres, l'hôtel nous semble un refuge idéal pour souffler. Loin d'être achevée, la journée se met un temps entre parenthèse. L'oreille tendue vers la rue, la ville semble loin de s'être assoupie. Peut-être une cigarette à la fenêtre. Un thé maison. Puis la quête d'internet pour lancer notre pigeon voyageur. Demain nous voguerons vers Chechaouen. L'inédit est loin d'être fini.

2/07/2010

Cap Sud



Une pluie d'averses sur la route entre Amboise et Biarritz. Une kyrielle de gros culs, comme les nomme ma grand mère, défile sur l'autoroute. Petit arrêt café croissant bien avisé et on repart. Le temps qui semblait jusque là s'être ralenti a repris sa course de plus belle. Au revoir à la famille sur le quai de gare. Lâchés dans la nature. Place à l'aventure!
Dans le train pour Hendaye, l'océan crache ses plus beaux rouleaux. Sauvages. Gris et crépus. Bigrement dodus. La tempête gronde. Au changement pour Saint Sébastien, nous faisons la connaissance de Begonia Matheo Mercier, charmante dame née en Espagne et devenue française. On zappe derechef toute tentative de débattre d'une quelconque identité nationale. Venons en au fait. Où se trouve la gare routière de Saint Sébastien? On rigole, elle nous informe, harangue la foule pour en savoir plus. Pratique de bénéficier du concours d'une traductrice si amicale. Finalement nous y allons de concert car elle doit rejoindre sa Pampelune natale. Nous passons devant Anoeta, antre de la Real Sociedad qui se mue parfois en arène pour les rugbymen biarrots. Douce pensée pour mon père, certainement en train de regarder Italie/ Irlande qui lance le Tournoi de l'année. Même si l'affiche ne semblait point trop le botter.
Trêve de digression. Face au guichet de bus, nous trouvons porte close. En attendant 19h, on tente le train. Détour par la gare. Pas de train avant le lendemain matin. Ça devait être le bus. Retour à l'office du bus après une petite incursion dans Saint Sébastien. Çà et là se dressent fièrement devant nous quelques immeubles Art Nouveau de délicieuse facture. Les portes d'entrée sont particulièrement soignées. Le bureau ouvre enfin. La dame ne veut pas de notre Visa. Ah ah... Petit sprint vers un distributeur. Bingo. Encore quelques pérégrinations pour localiser le bus adéquat et nous voilà lancés à la conquête de l'Espagne. Départ à 19h25. Arrivée le lendemain à 13h25. Broutille. On s'en gausse d'avance. Première surprise dans le bus. Le chauffeur a dû confondre son engin avec une Formule 1. On voit défiler à droite les voitures démunies face à notre pointe de vitesse. Un brin inquiétant l'animal. Qu'importe, on se dit qu'il ne va pas conduire 18 heures et on attend son relayeur avec espoir, au moins une lueur.
Et bien non. Nous sommes face à une écurie de champions. Tous plus vite les uns que les autres. Quatre se relayeront. Toujours le même frisson... Nos ceintures sont farouchement bouclées. La nuit sort de sa torpeur et voilà que l'on songe à un petit somme. Pas évident. En fait, un nuit en Union Bus donne l'énigmatique sensation d'être un navigateur solitaire parti à l'assaut du globe. Quelques menues bribes de sommeil par ci par là. Finalement, vers 3-4 heures du matin, on finit par s'accrocher aux bras de Morphée. Puis, ouvrant l'œil deux heures plus tard, l'étonnement. Le paysage a changé radicalement. On se retrouve en pleine Pampa. Entourés de montagnes couvertes d'oliviers à perte de vue. Immensité et infinité beauté. Là trois hommes ont étendu une couverte au pied d'un olivier. Ils frappent avec amour et passion l'arbre qui ne peut que céder face à une telle avance et fournit ses précieux fruits. Répètent-ils l'opération pour la totalité du verger? Si tel est le cas, ils ont la chance d'avoir du travail pour le prochain million d'années. Nous passons par Burgos, Malaga, Torremolinos, Estepona et quelques autres.
La Méditerranée approche et avec elle nous gagne une excitation de plus en plus intense. Le plan? Se dénicher un rafiot pour Tanger et sur place repérer un hôtel avec wifi (afin de pouvoir vous envoyer la présente) et couscous dans les parages. Les sandwichs restent chouettes et économiques. Mais il faut bien s'adonner aux plaisirs de la culture autochtone. Cela se fera sans mal. D'avisés passagers nous indiquent l'Hôtel Rambrandt, avenue Mohamed V. Va pour le peintre Flamand.
Six heures de voiture, Un peu moins de deux heures de train, dix huit heures de bus et trois heures de bateau. Une embarcation immense et quasi déserte d'ailleurs. Son rythme est lent. Inspirant. Nous voguons vers un nouveau continent, tournant pour quelque temps le dos à l'Europe. Essayons d'en être de justes ambassadeurs.
Le port de Tanger grossit à vue d'œil. Une nuée de mouettes, dans notre sillage, célèbre notre arrivée. Quelques pêcheurs, fort de leur trésor, rentrent gaillardement au port. Le minaret, gigantesque doigt tendu vers le ciel, se dresse tel un fier à bras. Nous faisons les premiers pas. Le palpitant bat la chamade. Au contrôle sécurité, je demande à un monsieur si Iwona peut passer ses pellicules sur le côté pour ne pas que le scanner l'endommage. C'est finalement son sac entier qui passe en travers des mailles, sans aucun contrôle. A peine sortis de l'enceinte du port que Rachid, guide 'officiel', nous alpague et nous dirige vers un 'petit taxi'. Je l'aurai plutôt nommé un 'vieux taxi'. Au Rembrandt, la chambre est un peu onéreuse. Direction le Safari où notre hôte négocie pour nous un prix beaucoup plus raisonnable. L'homme apparaît légèrement envahissant mais plutôt charmant. Au peu de berbère que l'on déchiffre on comprend qu'il aura sans doute une part du prix de notre chambre.
La rue respire à coup de klaxons. Elle transpire d'une vie foisonnante, joyeux tourbillon. Nous avons maintenant les deux pieds ailleurs, bouillonnants d'excitation et de bonheur. La nuit tombe peu à peu dans un souffle de désir, il est temps que la page expire.