3/01/2010

Afriquotidien




Rien de tel que de s'écarter un peu du bouillonnement de la capitale pour prendre le pouls du pays. En brousse ou dans les petits villages. Aujourd'hui à Koulikoro, ville mystique. Abdul Baki Cissé, notre guide pour la journée, nous embarque dans son pick-up climatisé. En route pour la tournée sur son secteur. L'homme politique qu'il est le connait bien. Après une vingtaine de kilomètres, nous commençons par la visite du groupe scolaire Emile Delassus Camara. Le professeur Jean Bengaly dans l'enceinte de l'école nous convie.

L'institution donne cours pour de nombreux villages alentours. Elle manque de tout. De nombreuses salles de classe se sont effondrées. De fournitures scolaires de base comme des bics, du papier, de la craie, des manuels scolaires, des bancs pour s'assoir. Équivalent de notre collège, elle prépare au Brevet des Collèges. Même si les examens ici sont pour le moins curieux. En raison du trop grand nombre d'élèves, les professeurs ont des consignes et le redoublement n'est pas permis. Il arrive donc bien souvent que lors des examens, le tableau noir pose les questions et offre les réponses simultanément. Les élèves n'ont plus qu'à recopier pour passer. Comme nous dit Jean, certaines classes contiennent jusqu'à 130 élèves. Dans un espace fort réduit. Sans doute guère plus de 40 m². Des endroits surchauffés si l'on regarde le toit en taule ondulée ajouté à la forte densité.

Les enseignants sont ravis de nous recevoir dans leur lieu de travail. Mais ils s'empressent de nous alerter sur l'ensemble des problèmes qu'ils rencontrent. Ils nous demandent d'en parler, de faire quelque chose. Dans cette école à l'heure de midi, alors que tous les élèves étaient partis, une jeune fille errait dans une salle vide. Cette jeune écolière du nom de Maba Diara habite à 8 kms de l'école. Sa famille n'a rien. Elle vient tous les matins en vélo et repart de la même façon le soir. Le midi, elle ne mange pas puisqu'elle n'a pas d'argent. Elle attend juste que les cours reprennent, regardant à travers la fenêtre avec une certaine fatalité. Une situation intenable qui ne peut que révolter.

Nous quittons les bancs et autres tableaux noirs pour gagner les plages du fleuve Niger. Un paysage à couper le souffle. L'eau, étendue sur une immense largeur. Quelques embarcations animées d'une poignée d'âmes dont une qui tient une longue perche. Aux bords du fleuve, dans des eaux stagnantes, des femmes à moitié immergées. Elles cherchent du gravier. Sous la couche de sable, elle le récupèrent à longueur de journée. Par seau, elles le ramènent au bord de l'eau pour faire de petits tas qui s'agrandissent lentement. Pour le groupe de femme que nous avons rencontré, il faut environ 20 jours pour produire de quoi remplir une benne. Celle-ci sera vendue à Bamako entre 50 000 et 60 000 FCFA. Après calcul, elles gagnent environ 500 FCFA par jour soit moins d'1€. Une broutille pour un travail physique épuisant. Malgré tout, elles semblaient ravies de notre visite, heureuses de poser pour une photo.

Journée aussi poignante qu'enrichissante. Nous commençons à tutoyer une certaine réalité, très difficile mais bien réelle. Les gens n'ont rien et pourtant personne ne se plaint. Il faudra à l'avenir réfléchir à comment apporter notre humble aide depuis la France. De telles situations ne peuvent laisser indifférent. Il faut aller de l'avant.

4 commentaires:

  1. Olà los dos,
    drôle de nom pour la photo... L'Afrique n'est pas un long fleuve tranquille semble-t-il !
    Des bises fraiches et tourangelles

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  2. Ola Pierrot!
    ET oui c'est curieux le Polonais ;) Le Niger est loin d'être un long fleuve tranquille effectivement. Mais tellement beau pourtant. Merci pour tes commentaires ils font chaud au coeur à chaque fois. On vous embrasse fort aussi.

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  3. "tutoyer une certaine réalité" loin de nous elle est. Pourtant, au travers de votre cheminement nous commensons à nous déshabiller, à nous détacher un peu de nos apparences et tendre vers l'humilité. Pour combien de temps je ne sais, mais la transmission de votre experience marque un temps d'arrêt pour réfléchir, méditer.

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  4. Bonjour, après tout ce temps je reviens vous voir par blog interposé. Vos commentaires décrivent bien la vie d'ici.

    Puis-je me permettre une remarque digne d'un prof de français pénible? Une ballade est une chanson, quand on se promène on se balade. (Je suis chatouilleuse du L.)

    Ne crevez pas de chaud

    Muriel Durand de Bamako

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