3/28/2010

En route vers Djenné



Ségou derrière nous, le Mali profond se dévoile peu à peu sous nos yeux. A chaque tour de roue, se rapprocher de Djenné. A peine la petite ville du bord du Niger quittée, on pénètre dans un tout autre univers. La brousse. Sauvage. Aride. Royaume des baobabs géants. En cette fin de mars, les dernières pluies sont loin, leurs branches sont nues. A les observer, l'on dirait des arbres plantés à l'envers. Les racines tournées vers le ciel. Au fil de la route, on les croise en nombre, ils suscitent un respect que leur démesure impose. Parfois dans un petit périmètre, six d'entre eux se sont réunis. L'impression d'assister à la réunion secrète de grands vénérables venus disserter du sort du monde. Massive incarnation de rondeur et de sagesse.


Les plaines que l'on traverse abritent également des termitières géantes. Ahurissantes. Les plus grandes d'entre elles doivent friser avec les quatre mètres. Certaines semblent dessinées comme de parfaites pyramides. D'autres laissent encore percer la pointe de l'arbuste autour duquel elles se sont bâties. Elles grignotent les arbres comme d'autres du chocolat. Avec un insatiable appétit. Le spectacle offert est réellement étonnant.


En brousse se trouvent aussi, parfois, de petits villages. Ils sortent de nulle part et semble y rester pour l'éternité. Comme la route est quasi déserte, le passage d'une voiture sonne comme un événement. Salutations de rigueur. Sake, Kong, Ouena, Kanouala, Konguena. Chaque nom soulève des rêves d'histoires. La façon dont ils ont gagné cette dénomination. Dans plusieurs d'entre eux l'on peut voir des carcasses de bus sur le côté. Comme autant de bateaux échoués sur la rive. Venus mourir aux portes d'une aventure. L'image est saisissante. Là encore l'imagination travaille sur la fin de vie de ces mastodontes. A force d'avaler du goudron, ils on fait une indigestion.


Dans notre vieille Mercedes décatie, l'air d'une chanson de Janis Joplin dans la tête retentit. 'Oh Lord, won't you buy me a Mercedes'. Quelle voix elle avait la petite dame déjantée. L'esprit vagabonde. Au bord de la route, une horde de mômes, armés de lance-pierres, chassent des lézards. Peut-être s'inventent-ils simplement des histoires. Souvenirs de ces battues de l'enfance. Quand on partait pister les fourmis ou mieux encore les souris. Ce qui se terminait le plus souvent auprès du feu, agrémenté de brochettes imaginaires.


A Pont-Bani, localité traversée par le fleuve Bani, difficile de ne pas être impressionné par les forçats du sable. De jeunes adolescents et des hommes travaillant sur et aux bords du fleuve. Remplissant des bennes de sable à coup de pelletées rythmées. Un travail harassant sous de telles températures. Au sortir de là, nous parcourons une longue digue de plusieurs kilomètres. De part et d'autres quelques rares traces d'eau avec ces points irréguliers autour desquels se retrouve du bétail. Des milliers de vaches et de chèvres viennent ici se restaurer en attendant des temps plus cléments. La verdure y tient encore une petite place, menacée par l'aridité.


Les kilomètres défilent et se rapproche la douce Djenné. Pour la rejoindre, il faut à nouveau traverser le Bani. Un bac passe les véhicules les uns après les autres. Ainsi il faut déjà avoir la chance d'arriver lorsqu'il est du bon côté. Et en plus il convient d'être le premier. Sinon vous risquez d'attendre quelques minutes, laissé à la merci de vendeurs de souvenirs prêts à tout pour gagner quelques sous. Ils pratiquent la technique de l'usure. Ne renoncent jamais. Délesté d'un brin de monnaie, l'entrée dans Djenné n'en est que plus gaie. En quelques centaines de mètres, le choc est entier. On se prend plusieurs siècles dans la tête. Feu le goudron. De petites rues en terre, les maisons en pisé, des voitures que l'on peut compter sur les doigts d'une main. Mais une vie bien foisonnante. Des ânes qui assurent le transport de marchandise dans tous les sens. Des odeurs nouvelles aussi, envahissantes, presque entêtantes. Pléiade d'enfants, des stands dans tous les sens. Le lundi à Djenné, c'est jour de marché. On pense une seconde à 'Peut-être' de Klapisch, ce Paris futuriste entièrement ensablé. Mais les habitations sont ici bien différentes. A l'image de châteaux de sable géant. Proprement bluffant.


Passage devant la célèbre mosquée. Reproduction datant du siècle dernier de l'édifice construit au 13e siècle. Djenné est un haut lieu de l'Islam au Mali. Elle abrite de nombreuses écoles coraniques. Le long du lieu de culte on peut croiser un groupe de petits élèves avec leur professeur, un morceau de bois décoré d'écritures religieuses entre les mains. Comme nous confie un homme dans une boutique, la population est musulmane à 100%. On ressent une certaine quiétude sans doute empreinte d'un brin de mysticisme. Mais à cette époque et en étant blancs, ce calme est bien vite emporté par une foule de vendeurs. Porte-clef, colliers, tissus, calebasse... Il faut tout acheter. Pour chaque vendeur nous sommes 'le premier client' même si c'est la fin de la journée... Il convient de 'l'encourager'. Ils vous serinent des 'fais moi plaisir, je te fais un petit prix'. Encore une fois, délicat de se soustraire aux achats. Qu'importe, espérons que cela apporte un brin de lumière aux vendeurs et qu'il en soit de même pour ceux qui recevront ces présents.


Journée richement remplie. De paysages et de rêverie. Temps pour un peu de répit, ivre des beautés du Mali.

3 commentaires:

  1. Merci encore de nous régaler en nous donnant à voir et à lire. C'est toujours un plaisir !Nous avons hâte d'écouter les non-dits et d'admirer les non-vus. Bons baisers de Touraine.

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  3. De rien de rien, c'est un plaisir de pouvoir partager un peu pour l'instant et je l'espère beaucoup quand on rentrera ;) Comment va la vie de votre côté? Il paraît que la Touraine refleurit. Ah le printemps et sa magie... A très bientôt pour les non-dits et les non-vus. On vous embrasse.

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