3/11/2010

Océan noir


Jeudi ensoleillé. Ballade à Bamako. Au Centre Culturel Français. Au gré du hasard, nous arrivons pour l'inauguration d'une exposition. 'Océan noir' de William Wilson, artiste Franco-Togolais. A travers 18 tentures, l'homme a tenté de retracer les relations entre l'Afrique et l'Occident, du 15e siècle à nos jours. Tant passionnant qu'édifiant. Superbe aussi.

L'artiste est parti à la recherche de ses racines familiales avant d'effectuer ce travail. Après quelques temps, il a appris que sa famille Togolaise faisait partie des grandes lignées qui participaient à la traite des esclaves. Sa réflexion s'est ainsi nourrit de sa petite et de la grande Histoire. En utilisant les techniques traditionnelles de la région d'Abomey au Bénin, il a confectionné cette série de tentures. Comme un pont entre les temps. Si l'art touche à la tradition, son aspect tutoie la bande dessinée. Voire le patchwork. On y retrouve la traite négrière, la colonisation, la décolonisation, le combat des droits civiques aux États-Unis. Tommie Smith. Bob Marley. Marcus Garvey. Duke Ellington. Bob Beamon. Malcolm X. Scott Joplin. Tous ces noms et bien d'autres se croisent sur l'oeuvre 'Black and proud'. Hailé Sélassié. Fela Anikulapo Kuti. Nelson Mandela. Roger Milla. Amadou Hampaté Bâ. Cesaria Evora. Eux se sont donnés rendez-vous sur la tenture 'Africa Unite'.

Un peu plus loin, une des œuvres la plus jolie et intéressante. Deux cartes de l'Afrique se jouxtent. A gauche, le continent colonisé. Morcelé au bon gré de la volonté des puissances Européennes. Seul un petit coin de terre à l'est conserve son autonomie. Ainsi résiste l'Éthiopie. Les règles de la colonisation avaient été établies lors de la conférence de Berlin, entre 1884 et 1885. A gauche, des loups grignotent l'Afrique. A droite, des petits hommes noirs lèvent la main au ciel en signe de victoire. Au Mali, il aura fallu 1960 pour obtenir l'indépendance. On en célèbre le cinquantenaire cette année.

Des histoires et de l'art plein la tête, nous gagnons la ferveur de la rue. Sa chaleur aussi. Direction la maison des artisans. Un bon quart d'heure de marche nous attend. Les rues sont pleines d'une foule en mouvement. Quand les Bamakois se mettent en marche, ils ne plaisantent pas. Les marchés sont bondés. Tout ce monde et ces couleurs en mouvement. Vraiment impressionnant. Nous nous touchons à notre destination. Mais l'idée ne s'avère sans doute pas des plus judicieuses. Pas de touristes. Nous sommes les seuls blancs apparents. On devient un enjeu pour l'ensemble des marchands. Ils nous attirent chacun de leur côté. Difficile de résister. D'autant plus que les produits artisanaux sont d'une grande beauté. Nous repérons quelques masques. Marka. Senoufo et Bambara. Embarras du choix.

Nous nous fixons sur l'un d'eux. La négociation peut débuter. Un véritable art. Essayer d'y couper c'est offenser. Le vendeur donne son premier prix, très gonflé. Il te demande de donner le tien. Au départ entre les deux c'est le grand écart. L'homme te dit fou. Tu lui réponds non. Que tu es simplement étudiant. Il te demande de faire un pas vers lui. Toi tu lui rappelles qu'il t'a promis un petit prix. Dix minutes écoulées. Ainsi de suite. Chacun fait un pas. Petit à petit. L'objet se rapproche ou s'éloigne. Cette fois-là, impossible de tomber d'accord. Après une petite demi-heure, nous prenons la tangente. Pas le temps de faire 100 mètres que l'homme nous rattrape. Il propose un dernier rabais. Encore trop loin de ce que nous nous étions autorisé. L'affaire tombe à l'eau. L'homme fait un peu le masque.

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