2/07/2010

Cap Sud



Une pluie d'averses sur la route entre Amboise et Biarritz. Une kyrielle de gros culs, comme les nomme ma grand mère, défile sur l'autoroute. Petit arrêt café croissant bien avisé et on repart. Le temps qui semblait jusque là s'être ralenti a repris sa course de plus belle. Au revoir à la famille sur le quai de gare. Lâchés dans la nature. Place à l'aventure!
Dans le train pour Hendaye, l'océan crache ses plus beaux rouleaux. Sauvages. Gris et crépus. Bigrement dodus. La tempête gronde. Au changement pour Saint Sébastien, nous faisons la connaissance de Begonia Matheo Mercier, charmante dame née en Espagne et devenue française. On zappe derechef toute tentative de débattre d'une quelconque identité nationale. Venons en au fait. Où se trouve la gare routière de Saint Sébastien? On rigole, elle nous informe, harangue la foule pour en savoir plus. Pratique de bénéficier du concours d'une traductrice si amicale. Finalement nous y allons de concert car elle doit rejoindre sa Pampelune natale. Nous passons devant Anoeta, antre de la Real Sociedad qui se mue parfois en arène pour les rugbymen biarrots. Douce pensée pour mon père, certainement en train de regarder Italie/ Irlande qui lance le Tournoi de l'année. Même si l'affiche ne semblait point trop le botter.
Trêve de digression. Face au guichet de bus, nous trouvons porte close. En attendant 19h, on tente le train. Détour par la gare. Pas de train avant le lendemain matin. Ça devait être le bus. Retour à l'office du bus après une petite incursion dans Saint Sébastien. Çà et là se dressent fièrement devant nous quelques immeubles Art Nouveau de délicieuse facture. Les portes d'entrée sont particulièrement soignées. Le bureau ouvre enfin. La dame ne veut pas de notre Visa. Ah ah... Petit sprint vers un distributeur. Bingo. Encore quelques pérégrinations pour localiser le bus adéquat et nous voilà lancés à la conquête de l'Espagne. Départ à 19h25. Arrivée le lendemain à 13h25. Broutille. On s'en gausse d'avance. Première surprise dans le bus. Le chauffeur a dû confondre son engin avec une Formule 1. On voit défiler à droite les voitures démunies face à notre pointe de vitesse. Un brin inquiétant l'animal. Qu'importe, on se dit qu'il ne va pas conduire 18 heures et on attend son relayeur avec espoir, au moins une lueur.
Et bien non. Nous sommes face à une écurie de champions. Tous plus vite les uns que les autres. Quatre se relayeront. Toujours le même frisson... Nos ceintures sont farouchement bouclées. La nuit sort de sa torpeur et voilà que l'on songe à un petit somme. Pas évident. En fait, un nuit en Union Bus donne l'énigmatique sensation d'être un navigateur solitaire parti à l'assaut du globe. Quelques menues bribes de sommeil par ci par là. Finalement, vers 3-4 heures du matin, on finit par s'accrocher aux bras de Morphée. Puis, ouvrant l'œil deux heures plus tard, l'étonnement. Le paysage a changé radicalement. On se retrouve en pleine Pampa. Entourés de montagnes couvertes d'oliviers à perte de vue. Immensité et infinité beauté. Là trois hommes ont étendu une couverte au pied d'un olivier. Ils frappent avec amour et passion l'arbre qui ne peut que céder face à une telle avance et fournit ses précieux fruits. Répètent-ils l'opération pour la totalité du verger? Si tel est le cas, ils ont la chance d'avoir du travail pour le prochain million d'années. Nous passons par Burgos, Malaga, Torremolinos, Estepona et quelques autres.
La Méditerranée approche et avec elle nous gagne une excitation de plus en plus intense. Le plan? Se dénicher un rafiot pour Tanger et sur place repérer un hôtel avec wifi (afin de pouvoir vous envoyer la présente) et couscous dans les parages. Les sandwichs restent chouettes et économiques. Mais il faut bien s'adonner aux plaisirs de la culture autochtone. Cela se fera sans mal. D'avisés passagers nous indiquent l'Hôtel Rambrandt, avenue Mohamed V. Va pour le peintre Flamand.
Six heures de voiture, Un peu moins de deux heures de train, dix huit heures de bus et trois heures de bateau. Une embarcation immense et quasi déserte d'ailleurs. Son rythme est lent. Inspirant. Nous voguons vers un nouveau continent, tournant pour quelque temps le dos à l'Europe. Essayons d'en être de justes ambassadeurs.
Le port de Tanger grossit à vue d'œil. Une nuée de mouettes, dans notre sillage, célèbre notre arrivée. Quelques pêcheurs, fort de leur trésor, rentrent gaillardement au port. Le minaret, gigantesque doigt tendu vers le ciel, se dresse tel un fier à bras. Nous faisons les premiers pas. Le palpitant bat la chamade. Au contrôle sécurité, je demande à un monsieur si Iwona peut passer ses pellicules sur le côté pour ne pas que le scanner l'endommage. C'est finalement son sac entier qui passe en travers des mailles, sans aucun contrôle. A peine sortis de l'enceinte du port que Rachid, guide 'officiel', nous alpague et nous dirige vers un 'petit taxi'. Je l'aurai plutôt nommé un 'vieux taxi'. Au Rembrandt, la chambre est un peu onéreuse. Direction le Safari où notre hôte négocie pour nous un prix beaucoup plus raisonnable. L'homme apparaît légèrement envahissant mais plutôt charmant. Au peu de berbère que l'on déchiffre on comprend qu'il aura sans doute une part du prix de notre chambre.
La rue respire à coup de klaxons. Elle transpire d'une vie foisonnante, joyeux tourbillon. Nous avons maintenant les deux pieds ailleurs, bouillonnants d'excitation et de bonheur. La nuit tombe peu à peu dans un souffle de désir, il est temps que la page expire.

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