2/08/2010

Rififi aux pieds du Rif



Dieu que la nuit fut bonne. Que la vie vous sourie quand on jouit d'un bon lit. Dormir à l'horizontale finalement cela ne fait pas de mal. Seul bémol au tableau, l'eau. En grande quantité elle tombe du ciel. Pas de panique, nos sacs sont équipés de k-way intégrés. Quand à nous, on finira bien par sécher. En face de l'Auberge se trouve un salon de thé. Va pour un petit-déjeuner complet. Pour 16 Dinars (un peu moins d'1€60), voilà un bon café noir sévèrement serré, un œuf dur, des olives, un yaourt et des Baghrir, sorte de crêpe fourrée de fromage blanc et nappée de miel. Aussi délicieux que copieux. Entre deux averses, la route vers la gare routière s'ouvre enfin à nous.

En entrant dans le lieu, on pourrait penser s'être trompés. Et être à la criée. Des noms fusent dans tous les sens, comme autant de promesses d'ailleurs. Pile à l'heure pour notre kar (en arabe dans le texte) de 10h30 en direction de Tétouan. Le prix du trajet reste relativement modique (27 Dinars plus 20 pour les bagages). Ce bus, qui ne fera sans doute pas de vieux os, prend légèrement l'eau. Un homme essuie sa casquette. Un sourire orne sa tête. Lovés au fond de l'engin, nous assistons trois minutes après le départ à une scène pour le moins ubuesque. Une femme interpelle le contrôleur des tickets. Le ton monte très rapidement et la dame se lève pour en découdre avec ce type. Heureusement, son mari la retient. Après un savant échange de jurons et quelques minutes de tension, la sanguine renonce au combat.

Sur la route se dessinent peu à peu les montagnes. Quelques habitations ça et là. Très isolées. Le rythme est bien moins élevé qu'en Espagne et l'on peut plus aisément profiter du paysage. Un fil rouge le long des routes, le drapeau Marocain avec son étoile sur fond rouge. Tous les 500 mètres, on le retrouve par brochette de trois. Arrivée à la gare routière de Tétouan. Taxi. Centre-ville. Office de tourisme. Hôtel pour la nuit. Retour dans la rue.

Dans la rue, les barricades sont de sortie. La ville attend la visite du Roi dans la journée. Après recoupement de l'information, il s'avère que cela fait plusieurs jours qu'il fait patienter ses ouailles. Peut-être le croiserons nous? Inch'allah. Devant le kiosque à journaux, Iwona dit qu'elle aimerait acheter un canard local. Avec une malice certaine dans les yeux, un monsieur lui demande si elle sait lire l'arabe. Nous commençons juste. Il faut bien admettre que c'est un peu prématuré. La discussion s'engage avec Ahmed Elmeri Merini, charmant journaliste à Casa FM. Quelques minutes passent nous l'invitons à boire le thé. Il nous conduit à son salon préféré. Et commence à nous narrer l'histoire de Tétouan (Tetawin signifie les yeux). Nous dissertons sur les rapports délicats entre l'Espagne et le Maroc, les trois choses à respecter pour un journaliste Marocain (le Roi, l'Islam et la patrie). Il évoque l'éducation que lui seul peut à ses enfants donner, car sa femme ne jouit pas d'autorité. Nous ne pipons mot. Je sens Iwona bondir. Un peu plus d'une heure passe dans une ambiance agréable. Notre invité finalement nous invite. Puis il nous indique un petit bouiboui dans lequel nous nous régalons de poulet frit, de frites maison et de riz au safran.

Il est grand temps d'aller arpenter les sentiers de la Médina. On y rentre par ces jolies portes ogivales les 'Bab quelque chose'. Tout de suite ça met en confiance. La ville, qui jusqu'ici semblait paisible, accélère nettement son rythme. Une des choses qui frappe en premier tient dans les odeurs qui viennent taquiner le reniflant. Effluves de poissons et d'épices. Quel charme profond. Des échoppes de part et d'autres, une foule qui s'affaire dans une mince ruelle, des poulets en vie, d'autres pas, des chats. De vieux bougres qui jouent devant une poignée d'observateurs qui s'emballent et les chambrent. L'existence bat son plein. On s'arrête devant une porte ouverte, un monsieur juché sur des escaliers nous invite à entrer. La tannerie. Peaux de moutons disséminées, bassins à l'eau plus que trouble. Un peu plus loin œuvrent les menuisiers. Orfèvres du bois, ils excellent dans l'art de sculpter les portes.

Palais du Roi. Un jeune garçon nous accoste. Il propose de nous montrer les ateliers berbères de tapis. Sans vraiment résister nous le suivons et nous engouffrons dans le souk. L'affairement de la Médina contraste avec le côté paisible du souk. Après quelques détours nous voilà dans une maison au carrelage superbe, les murs tapissés de bien belles ouvrages. Un escalier nous emmène sur le toit d'où l'on peut admirer Casbah et Médina. Retour dans une salle remplie de tapis. Le maître des lieux nous invite à boire le thé. Riche et chaleureuse idée. Un jeune homme commence à les déplier les uns après les autres. Une bonne trentaine défile. Puis les retirant un par un, nous devons indiquer si nous souhaitons ou non connaître le prix. On se dit que le prix est seulement un premier pas. Qu'il sera toujours temps d'affirmer clairement que de place nous ne disposons pas. Mais oui mais oui...Notre joli tapis sous le bras, nous voilà sur le chemin de la grande Mosquée. Un brin fatigués par la multitude de parfums, de saveurs, d'images, de rencontres, l'hôtel nous semble un refuge idéal pour souffler. Loin d'être achevée, la journée se met un temps entre parenthèse. L'oreille tendue vers la rue, la ville semble loin de s'être assoupie. Peut-être une cigarette à la fenêtre. Un thé maison. Puis la quête d'internet pour lancer notre pigeon voyageur. Demain nous voguerons vers Chechaouen. L'inédit est loin d'être fini.

1 commentaire:

  1. Grande plaisir de vous lire:) Ca fait rever d'etre la avec vous... Bonne courage!

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