2/18/2010

Rigueur, compétence, discipline



La formule pourrait sonner comme une devise nationale. Elle est écrite sur une pancarte accrochée à l'arrière du taxi brousse qui nous devance. Au premier coup d'œil sa véracité reste à vérifier. Porte arrière entrouverte, trois types bien cramponnés, le nez dedans, le corps dehors. Suspendus au dessus du vide par une petite plateforme de fortune en guise d'extension ultime avec vue sur le goudron.

Rigueur. Pourquoi ne pas monter dans un vieux bahut rafistolé de partout? Un qui a sans doute vu les bouleversements du siècle passé. Que la rouille ronge par petits bouts. Camouflée par des couches de peinture comme s'il en pleuvait. Un taxi brousse pas beaucoup plus spacieux qu'un minibus et qui pourtant embarque jusqu'à quarante personnes. Des rangées de deux de part et d'autres et au milieu des strapontins pour faire l'appoint. Pourquoi ne pas partir pour l'aventure? Pour lever les voiles il lui faudra patienter jusqu'à ce que la bête soit rassasiée. Pas de perte de place. Ainsi va l'économie. L'ergonomie aussi. Bien calé contre son voisin, l'on voyage plus serein. Il s'agit donc de respecter une certaine rigueur afin de se mouvoir grâce au bel engin. On ne sait quand on part, on peut à la rigueur tenter de deviner l'heure d'arrivée. Pas gagné. 40 km pour le trajet d'aujourd'hui par exemple. Soyons pessimiste, une heure devrait faire l'affaire. Mais le pessimisme Européen a vite fait de se transformer en optimisme Africain. Un peu plus de deux heures pour couvrir la distance.

Compétence. Pratiquer les routes Africaines dans de tels bolides nécessite un pilotage pour le moins savant. Les conducteurs de taxi brousse se révèlent de grands pilotes. Précis, patients, avec un sens de l'anticipation aigu. Car les embûches sont multiples tout au long du périple. La route pour commencer. Bien sûr quelques petites parties sont lisses et goudronnées. Là on rigole et on fonce. Mais la grande majorité des voies sont recouvertes de nids de poules et autres embarras. Petits, moyens ou gros trous, il n'y a qu'à choisir. Les chauffeurs pratiquent ici avec grande compétence l'art divin de l'esquive. Mais si un trou peut en cacher un autre, les trous ne sont pas seuls à boucher les perspectives. D'autres véhicules pour commencer. Camion de marchandise, voitures, 4X4, scooters. Et enfin quelques attelages tirés par des chevaux viennent parachever le tableau. Parfois de route il n'y a pas. Une piste cabossée, chahutée s'ouvre alors. Le rythme doit nécessairement baisser et le taxi en serpent des sables se muer.

Discipline. Elle est nécessaire. Tout au long de cette grande aventure qu'est le trajet en taxi brousse. Faire plus ou moins la queue pour y entrer. Déterminer le moment propice si l'on ne veut point poireauter. Discipline encore au moment de pénétrer dans l'engin. Bien prendre sa place. Pas n'importe où. Le taxi se remplit de la proue à la queue. Parfois il convient d'enjamber son voisin afin de gagner un petit espace qui se serait laissé oublier. Pour sortir aussi. Si par chance vous êtes sur le strapontin, il vous faudra sans doute lever votre popotin. Pour que ton voisin puisse sortir à l'arrêt de sa convenance. Ne cherchez par les abris-bus le long des voies. Il n'y en a pas. Pour descendre, l'on frappe plusieurs coup sur la tôle du véhicule. Quelqu'un fait le même signe pour dire qu'il peut repartir. Discipline enfin pour s'acquitter du montant du trajet. Pas vraiment de prix fixe. Il faut s'entendre avec le contrôleur placé au cul du bahut. On ne paye qu'une fois en route. Répondre à l'appel. L'homme interpelle les uns après les autres. L'argent circule de main en main. La monnaie parfois revient.

Rigueur, compétence, discipline. Une fois ces trois notions bien intégrées dans l'esprit du routard aguerri, le voyage s'ouvre à lui et lui sourit. Typique, immergé dans la vie quotidienne, ponctué d'instants magiques qui abreuvent ses veines.

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