2/28/2010

Du nomadisme



Bientôt une semaine que nous sommes à Bamako. Il y fait beau. Chaud. Alors l'on boit beaucoup d'eau. De lieux explorés jusqu'ici point trop. Nous papillonnons d'un foyer à l'autre, faisant du nomadisme notre ligne de conduite tantôt choisie, tantôt subie.

Après une nuit de repos consécutive à ce trajet semi-cauchemardesque en bus entre les capitales du Sénégal et du Mali, nous nous mettons en quête de la demeure de sieur Ali Nouhoum Diallo à qui nous devons remettre deux sacs de médicaments. Grâce à l'aide d'un autre Ali, chauffeur d'Olivier et Muriel chez qui nous avons passé la première nuit, nous gagnons le quartier récent d'ACI 2000 et demandons notre chemin en route. Nous voilà bientôt à bon port. Accueillis fort gentiment par Ali et sa femme Aminata. On discute, on se restaure. Ali nous relate avec le souci du détail ses études en France, puis son parcours politique au Mali. Qui l'a conduit à la présidence de l'Assemblée nationale Malienne dans les années 90 et ce jusqu'en 2002. Nous faisons la connaissance avec leur deux fils et leur nièce. Toujours quelque peu éreintés, nous ne faisons pas de vieux os.

Le lendemain matin d'un coup de taxi en route pour notre première véritable incursion dans la capitale. Cap sur le marché de l'artisanat. Là nous tombons nez à nez avec Muriel, notre première rencontre ici. Bamako est très petit. Nous parcourons les stands des artisans. Plus jolis les uns que les autres. Colliers, sacs de cuir, sculptures, masques, percussions... Après avoir légèrement résisté, nous craquons pour de jolies boites en cuir de chameau ciselé. Notre route encore longue, il faudra dorénavant savoir se limiter. Au retour chez Ali, nous tombons en arrêt devant le jardin d'à côté. Deux caméras, une chanteuse, deux danseuses et quelques enfants. Tournage d'un clip musical. Vite repérés, on invite les deux toubabous à se joindre au tournage. On nous présente Paye Camara, chanteuse Bambara traditionnelle. Elle nous demande de participer à son clip. En une poignée de secondes, nous sommes déjà en train de danser avec elle sous le feu des caméras. Peut-être une nouvelle carrière s'ouvre-t-elle?

Ali, qui ne peut guère se déplacer et aimerait nous faire visiter, a pensé nous confier à son ami Abdul Baki Cissé. Il vient nous chercher et nous embarque. D'abord surpris, on le suit. Entrepreneur dans le domaine de l'eau et homme politique dans le secteur de Koulikouro. Auguste géniteur de sept filles et deux garçons. Abdul nous emmène dans son secteur dans son pick-up dès le soir même. Difficile de réellement profiter du paysage puisqu'il fait nuit noire. On y rencontre quand même deux professeurs d'une institution qui vient de fêter ses 110 années d'existence. Je remarquerait l'un d'eux, avec sa grosse barbe blanche, dans les bonnes feuilles du journal du lendemain. Retour dans la maison d'Abdul. Si l'on peut appeler cela une maison. Il s'agit plus d'une sorte de château. Immense, assez vide pour tout dire, avec un domaine de 8 hectares autour. L'impression que l'on ressent dans cet endroit est curieuse. A vrai dire on se sent un peu perdus. Et l'envie de partir nous vient derechef à l'esprit. Tout en haut de la demeure se trouve une grande terrasse couverte d'où l'on peut observer les étoiles. C'est ici que l'on est sensés dormir. Avec toute la famille. Chacun son matelas rassurez-vous. Cette promiscuité indispose quelque peu notre sommeil et notre intimité. Après une petite demi-heure, nous nous retirons sur la pointe des pieds. Nous gagnons alors la petite chambre où nos sacs ont été entreposés.

En matinée, nous rendons visite à une amie de la famille, tante Karina. Qui a donné son prénom à une des filles de la famille Cissé. Karina est une Polonaise mariée à un Malien. Elle habite ici depuis 38 ans. Sage-femme, son mari Josué est médecin gynécologue. Mais comme il le dit en Afrique on a beau avoir une spécialisation, on fait toujours un peu de tout. Adorables, ils nous invitent à dormir chez eux le soir. Un peu égarés dans notre château, situé à plus de 20kms de Bamako, nous acceptons bien volontiers. En attendant, nous passerons la journée à ne rien faire. Coincés dans cette maison immense et vide. Juste quelques communications sur internet en attendant le soir venir. Débarqués chez ce couple Malien-Polonais, nous attendons la maitresse de maison partie accoucher en début de soirée. Discussion avec son mari qui nous relate comment il a atterri en Pologne pour faire ses études de médecine. Puis nous regardons Galles-France sur TV5 Monde. Joli spectacle. Un peu de sport, doux réconfort. La nuit arrive sur la pointe des pieds. Le sommeil nous gagne, il faut de tous ces transits se reposer.

Lendemain matin. Promenade au marché. Acheter un peu de viande et d'os pour le chien, des œufs, de la salade pour nous autres humains. La salade prendra un bain d'eau de Javel d'une demi heure avant d'atterrir dans nos estomacs. Il paraît que la journée est calme. Une foule plutôt compacte parsème pourtant les rues. Surtout beaucoup de deux roues. Mobylettes et scooters se frayent comme ils peuvent un passage au milieu de la circulation. Les taxis, en grève lors de notre arrivée, ont maintenant repris du service. Nous nous engouffrons dans de petites ruelles pleines d'échoppes. Quelques centaines de mètre plus loin, nous entrons dans un bâtiment couvert où se trouvent toutes les boucheries. Une forte odeur de viande se mêle à celle des hydrocarbures qui s'engouffrent dans le lieu. Ces halles de bouchers sont assez impressionnantes. Beaucoup de monde, le son des grandes lames qui débitent à tout va, l'odeur forte et tenace qui prend à la gorge.

Sur le chemin du retour, petit arrêt dans un magasin d'artisanat Malien. Tout y est si joli. Masques, portes Dogons, meubles, bogolans (bandelettes de tissus reliées et imprimées de pigments naturels), bijoux, sculptures. Superbe mais il faut se retenir car le bout du chemin reste encore loin. Bamako est une ville à l'activité foisonnante, souvent pleine d'embouteillages, l'air y est fortement pollué, l'odeur du pétrole y est persistante. Les commerçants y sont pour le moment charmants et peu insistants. La chaleur est une invitation à la lenteur, à l'oisiveté. Il faut alors savoir y résister. Ici l'on aime 'siester'. Les nomades que nous sommes ont maintenant tendance à se sédentariser.

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